Méditation pour le 33ème dimanche du temps ordinaire, année
A
Pv 31, Ps 127, 1 Th 5, Mt 25,14-30
Si on
écrivait un traité sur la manière dont l’Évangile a été utilisé comme réservoir
pour l’éducation morale, je crois que la parabole d’aujourd’hui aurait droit à
tout un chapitre… Combien de fois n’y a-t-on pas eu recours, lorsqu’un potache
revenait avec un bulletin marqué par une sensible baisse des cotes ? Qu’as-tu
fait des talents reçus ? Qui n’a entendu ce genre de remarque ? Par contre,
l’utilise-t-on pour féliciter celui qui a progressé ? lui dit-on : Bravo, tu as
bien utilisé tes talents ?
Remarquez,
si on veut utiliser l’Évangile comme un traité de morale, on va avoir quelques
petits problèmes, et il faudra bien effacer soigneusement quelques textes… que
faire avec « les prostituées et les publicains vous précéderont au
Royaume » ? Carré blanc ?
En fait,
l’Évangile n’est pas un traité de savoir vivre, un recueil d’histoires pour
l’éducation morale de nos jeunes ! Prendre ainsi le livre, c’est le tenir
à l’envers… Évidemment il faut reconnaître que le texte d’aujourd’hui nous met
sur une pente glissante. Mais si on l’écoutait d’une oreille plus attentive…
quel message en recevrions-nous ? Quelle Bonne Nouvelle nous
porterait-il ? Car l’Évangile avant de nous dicter une conduite morale,
nous révèle le visage de Dieu !
Première
petite remarque… sur de nombreux catéchismes et livres illustrés, la parabole
des talents est illustrée de façon assez simpliste : un homme a 5 petites
pièces de monnaie en main, un autre deux, un autre une seule… à voir la taille
des pièces, on pourrait largement en ajouter sans qu’ils n’aient de problème
pour les tenir. En fait, que vaut un talent ? 6000 deniers !
C'est-à-dire 6000 jours de salaire. Si vous comptez 300 jours salariés par an,
1 talent c’est 20 ans de salaire ! Nos trois hommes de la parabole ont
respectivement reçu 100, 40 et 20 ans de salaire ! Voilà qui nous dit la
folie du bien confié à chacun!
Alors, si
on réécrivait la parabole ? Me permettez-vous un peu d’audace, que
j’espère tout évangélique ? Jésus parlait aux disciples de sa
venue ; il dit cette parabole : « Dieu après avoir créé
l’univers, créa l’humanité, et il plaça l’humanité sur cette terre. Il appela
les humains et leur confia sa création. A l’un, il confia l’immensité des
mers, à une autre les vastes champs et les forêts, et à un troisième, les
montagnes, à chacun selon son dynamisme. Puis il se retira discrètement.
Aussitôt, celui qui avait reçu les mers, se construisit des bateaux, et touché
de la confiance qui lui était faite, abandonna ses comptoirs de publicain, et
organisa la rencontre des peuples par-delà les océans ; celle qui avait
reçu les champs et les forêts les fit fructifier (comme la femme forte de la
première lecture) et elle dansait de joie devant la beauté de ce qui lui
avait été confié, toute la forêt chantait de la voir si belle, faut dire,
c’était une ancienne prostituée, émerveillée de la confiance qui lui était
faite, elle se mit à partager les fruits de son travail ; le docteur de la
loi qui avait reçu les montagnes, s’empressa de les clôturer, en se
disant : c’est le domaine de Dieu, pas touche, sinon tu vas mourir. Il se
construisit une cabane, se procura une arme et tremblant de peur monta la
garde !
Longtemps
après, Dieu se manifeste à nouveau. Le publicain qui avait reçu les océans, lui
dit « Seigneur mon Dieu, comme tu es bon de m’avoir confié ces
océans », il raconte son bonheur de les sillonner et d’y entraîner les
autres, et la merveille des rencontres qu’il a faites. La prostituée, un collier
de fleurs au cou, vient danser avec une ribambelle d’enfants de tous pays, pour
lui montrer les fruits que les champs et les forets ont portés, comment ils ont
nourri tant de petits et de pauvres. Elle ne sait comment remercier son
Seigneur de lui avoir fait une telle confiance. J’avais l’impression que tu
étais là à mes côtés, sans relâche, lui avoua-t-elle. Le docteur de la loi
vient avec une grande attestation : « voilà ta montagne, tu peux
voir, personne n’y a mis les pieds, c’est ton domaine, et je puis t’assurer que
la clôture que j’y ai placée c’est du costaud. Personne n’oserait en approcher.
Je l’ai même électrifiée. Tu peux être tranquille. Mais j’en ai assez de
la garder, reprends ton bien ! J’ai risqué ma peau jour et nuit, sachant
que tu allais me foudroyer si quelqu’un osait franchir cette clôture. »
Alors Dieu se tourna vers le publicain et la prostituée et partagea leur joie.
Mais oui leur dit-il, je suis avec vous, jusqu’à la fin des temps. Puis il dit
au docteur de la loi, je t’avais donné cette montagne, pour que tu y trouves
joie et bonheur, toi qui n’avais de cesse de me servir, je t’ai confié ce lieu
où j’aimais résider pour que nous prenions plaisir à nous rencontrer, pour que
tu y mènes mon peuple… et tu l’as isolé ! Et il dit : enlevez cette
clôture de ma montagne, que tous puissent y venir… que je puisse y
marcher au milieu de mon peuple et placez-la autour de cet homme, je m’engage à
ne jamais franchir cette clôture puisqu’il a choisi la peur, et refuse la
communion. En vérité je vous le dis, les publicains et prostituées vous
précèderont en mon royaume… car ils m’ont accueilli en leur vie, et ont partagé
mon amour.
N’est-ce
pas là le message de cette parabole que nous venons de recevoir. Dieu notre
Créateur et Père, nous confie toute son œuvre. Il nous offre en partage cette
terre. A nous de lui faire confiance à notre tour, en nous donnant pleinement à
son œuvre, en l’aimant à travers tous les gestes de notre vie. Renonçons à ce
visage de Dieu qui en fait un être despotique à craindre, un être tyrannique
dont il faudrait se protéger. Apprenons à croire en Dieu comme il croit en
nous !
Qui donc
est Dieu pour nous aimer ainsi ? Voilà le cri émerveillé qui jaillira de
nos cœurs tout au long de nos jours!
Sr Thérèse-Marie
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