dédicace de
saint-Jean-de-Latran
Quel sens
cela peut-il avoir pour nous de célébrer la dédicace d’une basilique que la
plupart d’entre nous n’ont jamais vue et qui se situe à des milliers de
kilomètres d’ici ? Quel sens, sinon de nous rappeler notre appartenance à
cette église universelle dans laquelle nous sommes entrés par le baptême et
dont saint-Jean-de-Latran est un symbole fort ?
Cette
basilique est la « première » (dans le temps et par l’importance) des
quatre grandes basiliques romaines, elle est la cathédrale de l’évêque de Rome.
Elle remonte à 320. Cadeau de l’empereur Constantin au pape Sylvestre. Elle a
été détruite et reconstruite à maintes reprises au long de l’histoire. De
chacune de ces époques, on trouve des traces dans le bâtiment actuel qui
remonte au XVIIe siècle. Elle porte donc l’empreinte de toutes ces époques
traversées. En cela aussi, elle symbolise l’église.
Comme toute
cathédrale, Saint-Jean-de-Latran est un lieu où l’on vit les baptêmes.
Concrètement, à Rome, le baptistère de Saint-Jean-de-Latran est un bâtiment
octogonal assez grand, à côté de la basilique. Il remonte lui aussi à
une époque très ancienne et, selon la légende, c’est là que l’empereur
Constantin aurait reçu le baptême. Pendant des siècles, il fut le seul
baptistère à Rome. Son architecture révèle la façon dont se vivaient les
baptêmes dans l’Antiquité : on descendait quelques marches dans une sorte
de piscine, on la traversait et on en ressortait de l’autre côté.
La vision
d’Ezéchiel (première lecture) nous parle de l’eau qui jaillit du Temple. La
symbolique est double. L’eau du baptême nous permet d’ « entrer
dans » la pleine participation à la réalité ecclésiale (les nouveaux
baptisés passent du baptistère à la basilique). Mais aussi : l’eau
« sort » du Temple et irrigue, féconde, assainit tout ce qu’elle
touche. Quand on est marqué par cette eau vivifiante, on devient à son tour
porteur d’eau.
Nous savons
que l’évangéliste Jean (l’un des deux patrons, avec Jean le Baptiste, du
baptistère du Latran) affectionne lui aussi ce symbolisme de l’eau. Mais c’est
un autre passage de Jean que la liturgie nous propose aujourd’hui.
Jean
2 : la « sainte colère » de Jésus dans le Temple. Cet épisode
est raconté par les quatre évangélistes : on peut donc croire que
cela s’est réellement passé. Mais d’après les synoptiques, cela s’est passé
tout à la fin du ministère de Jésus, après son entrée messianique à Jérusalem,
quelques jours avant sa Passion. Les synoptiques le racontent plus
succinctement et mettent dans la bouche de Jésus deux citations de
prophètes : Is 56, 7, (ma maison sera une maison de prière) ;
Jr 7, 11, (vous en avez fait une caverne de bandits). Chez Jean, cet
épisode se situe au début de l’évangile (après les noces de Cana et
l’inauguration des signes, avant l’entretien avec Nicodème), la narration est
plus déployée, plus détaillée, la parole de Jésus est « ne faites pas de
la maison de mon Père une maison de trafic », après quoi les Juifs lui
demandent un « signe » et il répond en faisant une mystérieuse
allusion à sa propre mort et résurrection.
L’évangile,
mis en lien avec la fête de saint-Jean-de-Latran, nous lance donc un appel à la
vigilance, mais aussi à l’espérance. En effet, si Dieu réside dans ce lieu
qu’est l’église, il nous faut veiller à ne pas en faire un lieu de trafic. De
temps en temps, par une sainte et juste colère, Jésus vient y remettre de
l’ordre. Les moments de crise sont des moments de purification et peuvent être
vécus comme des moments de grâce, de guérison. Et si des forces – intérieures
autant qu’extérieures – s’acharnent à vouloir « détruire » ce temple,
appuyons-nous sur le signe que nous donne Jésus en nous annonçant qu’en
trois jours il le relèvera. Car l’église Corps du Christ est issue de la
puissance de sa résurrection. Quelles que soient nos faiblesses humaines, nous
pouvons puiser dans cette conviction notre assurance humble et audacieuse et
notre légitime joie d’appartenir à ce grand corps mystique, à cette grande
communion de sainteté.
Sr Marie-Raphaël
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