Méditation pour le 2ème dimanche du Temps ordinaire (année
B)
« Me
voici » : tel pourrait être le titre de cette homélie.
Mais qui
dit « me voici » ? et quelles sont les conditions et les
conséquences de ce « me voici » ?
Nous avons
d’abord entendu la belle histoire de la vocation de l’enfant Samuel. Pour se
faire reconnaître à lui, Dieu l’appelle doucement dans la nuit. Mais Samuel ne
connaît pas encore Dieu : il est donc incapable de reconnaître sa voix.
Qu’à cela ne tienne : la douce insistance de Dieu qui revient trois fois à
la charge et la constance de Samuel à lui répondre en se précipitant chaque
fois chez le vieux prêtre Eli finissent par éveiller la conscience de ce
dernier : c’est lui qui va donner à Samuel la clé pour entrer en dialogue
avec Dieu. Cette clé est une parole : elle consiste à dire :
« parle, Seigneur, ton serviteur écoute ».
La
quatrième fois sera donc la bonne. Eli n’est pas jaloux. Il s’efface après
avoir ouvert la porte. Désormais, Samuel entre dans sa mission propre et
devient « prophète » parce qu’il est entré dans l’intimité de Dieu.
Il peut chanter le psaume 39 : « me voici, Seigneur, tu ne voulais ni
offrande ni sacrifice, mais tu m’as ouvert l’oreille. »
Pour
entendre l’appel de Dieu, il est donc bon d’avoir quelqu’un qui nous aide à
l’interpréter. Et puis, il faut écouter. Ensuite, on pourra pleinement
répondre « me voici ».
C’est aussi
l’expérience que font les deux disciples de Jean Baptiste, dans l’évangile.
L’appel de Dieu n’est pas explicite. Il y a simplement un homme incognito qui
va et vient au milieu de la foule, qui ne dit rien. Alors, c’est Jean qui
parle. Il chuchote, comme en passant, à l’oreille de ses disciples :
« voici l’Agneau de Dieu ». Eux, ils ont compris à demi-mot. Ils
n’ont peut-être pas compris ce que signifie l’expression « voici l’Agneau
de Dieu », mais ils ont compris qu’ils devaient le suivre, s’attacher à
lui. Et Jésus lui-même semble surpris : « que cherchez-vous ? ».
Leur réponse veut dire : « c’est toi que nous
cherchons ». Alors seulement, Jésus leur répond (par une invitation plutôt
que par un appel explicite) : « venez, voyez ». Quelle douceur,
quel respect dans ce cheminement. Dieu ne force pas la main : il suggère.
Et c’est ainsi que cela continue, de bouche à oreille, d’André à Simon, son
frère : « nous avons trouvé le Messie »... La chaîne du
témoignage a commencé : à chacun d’y entrer librement.
Mais que
vient faire la 2ème lecture dans tout ça ? Ce passage de la
première lettre aux Corinthiens où Paul parle de la place du corps dans la vie
chrétienne ?
Dans la
culture grecque du temps de Paul, le corps est dévalorisé : dans la
philosophie platonicienne, le corps est considéré comme un tombeau dont l’âme
est prisonnière et cherche à s’échapper. La dichotomie entre le corps et l’âme
est extrême. C’est tout différent dans la culture biblique dont Paul est le
témoin : l’homme n’est pas divisé entre son corps et son âme ;
l’homme est unifié : corps, âme, esprit. Chez saint Paul, le terme
« corps » signifie souvent la « personne tout entière » (le
mot « personne » n’a pas encore été inventé par les philosophes).
Saint Paul nous invite donc à vivre notre appel chrétien de façon unifiée, de
tout notre être, « corps et âme ». Le corps n’est pas à négliger dans
notre vie spirituelle. Le corps est notre lieu de rencontre avec les autres,
mais il est aussi – comme le dit Paul – le temple de l’Esprit saint, puisque
« celui qui s’unit au Seigneur n’est plus qu’un seul esprit avec lui ».
Respecter notre vocation de chrétien, c’est donc aussi respecter notre
corps ; le respect que nous aurons pour notre corps et pour celui des
autres sera signe du respect que nous voulons témoigner à Dieu. Quitte à aller
à contre-courant de notre société où la pudeur semble parfois disparue sous un
amoncellement d’images provocantes.
Pourquoi
cela est-il si important ? La vie spirituelle n’est-elle pas au-dessus de
tout ça ? La réponse est peut-être à nouveau dans le psaume : ce
psaume 39 que nous avons chanté pour faire écho à la vocation de Samuel et des
premiers disciples de Jésus, il a un autre secret à nous révéler. Et ce secret,
c’est qu’il est aussi le psaume de l’incarnation de Jésus. C’est ainsi qu’il
est cité dans la lettre aux Hébreux, à l’endroit même où il est question de
l’incarnation du Christ, et cette lettre dit ceci :
En
entrant dans le monde, le Christ dit : « De sacrifice et d’offrande
tu n’as pas voulu, mais tu m’as façonné un corps ; holocaustes et sacrifices
pour le péché ne t’ont pas plu, alors j’ai dit : me voici... je suis venu,
ô Dieu, pour faire ta volonté ». (Hé 10, 5-7)
Le psaume
39 est cité dans ce passage de la lettre aux Hébreux, mais dans sa version
grecque. Et cette version grecque présente une petite variante par rapport à la
version hébraïque : au lieu de dire « tu as ouvert mes
oreilles », elle dit : « tu m’as fait un corps ». Les
chrétiens ont vu là une allusion au mystère de l’incarnation. En entrant dans
le monde, Jésus entre « dans un corps », et c’est « par
l’offrande de son corps, faite une fois pour toutes » (comme le dit Hé
10,10), qu’il va se faire l’initiateur de notre salut. Par son corps – offert –
Jésus nous sauve, corps et âme. Par son corps ressuscité, il donne aussi à nos
corps le pouvoir de ressusciter. Si nous prenons au sérieux le corps du Christ,
nous nous devons donc absolument de respecter aussi nos propres corps.
« Tu
ne demandais ni holocauste, ni sacrifice », dit le psalmiste, « alors
j’ai dit : voici, je viens ».
Plus que
l’offrande de sacrifices extérieurs, c’est l’offrande de tout notre être que
Dieu espère...
Dans ce
« je viens », entendons d’abord Jésus qui répond à l’appel de son
Père et entre dans sa mission propre, Jésus qui nous dit « je viens...
pour vous entraîner à ma suite, pour vous sauver... »
Entendons-le
qui nous dit : « que cherchez-vous ? », et puis répondons
avec confiance, de tout notre être, à son invitation : « venez,
voyez ! »
Sr Marie-Raphaël
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