Médiation pour le 26ème dimanche du temps ordinaire, année A
Pendant
trois dimanches successifs, la liturgie rapproche des évangiles qui parlent de
« la vigne ». Dimanche dernier, c’était la parabole des ouvriers qui
sont embauchés par le maître de la vigne, de la première heure jusqu’à la
dernière, et qui reçoivent tous le même salaire. Dimanche prochain, nous
entendrons la parabole des vignerons homicides. Aujourd’hui, il est question
d’un père qui a deux fils et qui leur demande à chacun d’aller
« travailler à sa vigne ». Déjà dans l’AT, la vigne est un symbole
fort : elle est l’image du peuple d’Israël. Dans ses paraboles, Jésus
prolonge l’image en faisant de la vigne le symbole du Royaume de Dieu dans
lequel nous sommes appelés à travailler. Il importe à Dieu que nous
collaborions à son œuvre, que nous portions du fruit. Le travail du Royaume ne
se fera pas sans nous. Mais les fruits ne nous appartiennent pas : ils
reviennent à Dieu.
Dieu est
donc comme un père qui demande à ses fils : « va travailler
aujourd’hui à ma vigne ». On peut réagir de diverses manières : y
aller ou ne pas y aller. Les deux fils dont parle Jésus ont une chose en
commun : ils ne font pas ce qu’ils disent. L’un dit non, mais il va.
L’autre dit oui et ne va pas. Cela nous mène à une réflexion sur la cohérence entre
le dire et le faire. « Que ton oui soit oui, que ton non soit non »,
dira Jésus ailleurs. Mais ici, entre les deux, il est tout de même clair que
Jésus préfère celui qui finit par agir. Or, de ce fils-là, il est dit
qu’il se repent, c’est-à-dire qu’il change d’avis, qu’il change tout
court. Jésus apprécie l’attitude de celui qui est capable de se repentir, de se
remettre en question. Il ne s’arrête pas à la première réaction : il sait
que nous sommes parfois « secondaires », que nous avons besoin d’une
deuxième chance.
C’est déjà
ce que faisait remarquer le prophète Ezéchiel : Dieu regarde le fruit
qu’on porte, non la belle façade que l’on se donne. Dieu regarde ce que l’on a
réellement fait, non ce que l’on dit, ce que l’on prétend. Et ce n’est jamais
acquis pour de bon. Le juste peut se détourner de sa justice, se pervertir.
Toute la justice qu’il aura pratiquée durant sa vie ne lui sera d’aucun secours
s’il meurt dans un état de perversion. C’est dur à entendre, une chose
pareille ! Cela nous fait dire que « la conduite du Seigneur est
étrange » : nous aimerions qu’il comptabilise davantage toutes nos
bonnes actions et les mette dans la balance pour contrebalancer les
mauvaises... Mais si la conduite du Seigneur est « étrange » et même
« injuste » aux yeux de ceux qui se disent « justes », elle
l’est encore davantage pour les autres, pour ceux qui ont « fait le
mal » toute leur vie et qui, tout à la fin, se détournent du mal pour
faire le bien. Celui-là, dit Dieu, ne mourra pas, il sauvera sa vie.
On pourrait
dire que Dieu, aujourd’hui, est « le Dieu de la 2ème
chance » (ou même le Dieu de la dernière chance, ce qui était déjà la cas
la semaine dernière). Deux réactions possibles : soit cela nous heurte,
parce que nous trouvons que la « justice » de Dieu n’est pas
bonne en comptabilité. Alors, nous disons que « la conduite du Seigneur
est étrange ». Soit cela nous émerveille, car nous mesurons à quel point
Dieu nous aime et guette le moment pour nous montrer sa miséricorde. Ce moment,
c’est quand le repentir, le regret de nos fautes nous ouvre à sa grâce. Il
n’attend que cela pour déverser sur nous sa miséricorde.
Et cette
miséricorde, cette « étrange conduite » de Dieu, après en avoir
bénéficié pour nous-mêmes, nous sommes invités à la pratiquer les uns envers
les autres. Telle est l’exhortation de Paul dans sa lettre aux
Philippiens : que l’on s’encourage mutuellement dans l’amour, que l’on ait
de la tendresse et de la pitié. Et la clé qui rend possible toute vraie
relation, c’est l’humilité, cette aptitude à estimer les autres supérieurs à
soi-même. Or, le modèle de l’humilité que Paul nous montre, c’est Jésus
lui-même.
L’humilité
de Jésus, d’après ce texte célèbre de Philippiens 2, c’est qu’il était
« de la condition de Dieu » et que pourtant il n’a pas estimé devoir
être traité à l’égal de Dieu. Au contraire, étant de condition divine, il s’est
abaissé au plus bas de notre condition humaine, il est devenu obéissant jusqu’à
la mort de la croix. Lui, le Christ, dont Paul dit ailleurs : « il
n’a pas été oui et non, il n’a jamais été que oui »,
voilà jusqu’où ça l’a mené.
Revenons
donc à l’évangile, avec cet exemple magnifique du véritable Fils qui a dit
« oui » à son Père et qui a vraiment fait ce qu’il a dit, travaillant
à sa vigne et lui faisant porter du fruit.
Bien sûr,
il vaut mieux dire non et faire oui que dire oui et faire non. Mais il vaudrait
mieux encore faire et dire, être totalement transparent, cohérent dans
notre être unifié. Seul Jésus est totalement « oui », à la fois en
parole et en acte, totalement transparent à la volonté du Père. On pourrait
même dire que Jésus est le « oui » du Père à notre
égard : il est en personne, il « incarne », l’amour du Père pour
nous, pour sa vigne.
Cherchons
donc à lui ressembler, mais en toute humilité, sachant que jusqu’au bout, il
nous faut être vigilants pour ne pas tomber dans le défaut du deuxième fils.
Cherchons un juste équilibre entre le publicain et le grand prêtre, entre celui
qui se reconnaît pécheur et se convertit et celui qui est fier de dire
« oui » et de tenir parole. Peut-être ce « juste milieu »
est-il précisément la voie de l’humilité ?
Apprendre
l’humilité, c’est le programme de toute une vie. Confions-nous à Dieu, puisque
le psaume nous l’a dit : « sa justice dirige les humbles, il enseigne
aux humbles son chemin. »
Sr Marie-Raphaël
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