Méditation
pour le 25 dimanche du Temps Ordinaire (année A)
Is
55, 6-9 ; Ps 144 ; Ph 1,20c-24.27a, Mt 20,1-16a
De l’art de
semer le trouble et le désordre !
N’est-ce
pas le titre que nous donnerions spontanément à cette page d’évangile ?
La révolte
pourrait bien gronder si un chef d’entreprise agissait ainsi ! Que veut
dire ce texte provocant ? Nous avions été prévenus dès la première
lecture : les pensées de Dieu ne sont pas les nôtres, ses chemins ne
sont pas les nôtres. Reste à comprendre, et à choisir notre camp !
Au chapitre
précédent de l’évangile, après une mise en garde sur le danger des richesses,
Jésus répond à Pierre, qui lui demande quelle serait leur part, à eux les
disciples qui avaient tout quitté pour le suivre ? Et Jésus promet : vous
siégerez avec moi, et quiconque aura tout laissé à cause de moi, maisons,
frères, sœurs, père, mère, enfants ou champs, recevra bien davantage et aura en
héritage la vie éternelle. Et de conclure par cette parole : Beaucoup
de premiers seront derniers, et de derniers seront premiers. On pouvait
alors se demander ce que venait faire cette conclusion. Vient
alors la parabole d’aujourd’hui qui reprend la même conclusion : voilà comment
les derniers seront premiers et les premiers derniers.
Relisons la
parabole qui dit le royaume. Qu’y découvre-t-on ? Un Dieu présenté comme
un maître de maison qui embauche, qui aime voir l’homme participant de son
œuvre, co-créateur. Heureux toi qui a reçu l’invitation dès la première heure.
Dieu s’engage à te donner un denier : c'est-à-dire le nécessaire pour
vivre ta journée. Les suivants, reçoivent une promesse : vous recevrez ce
qui est juste : bref, faites confiance à Dieu, et aller joyeusement
collaborer à la vigne. Les derniers sont restés à ne rien faire.
Pourquoi ? Non point par paresse, mais parce que personne ne les a
embauchés. Ils sont envoyés à la vigne, simplement, sans même promesse de
recevoir quelque chose. Sans doute que le seul fait d’être reconnus,
considérés, embauchés, valait plus à leurs yeux que toutes les promesses !
Puis vient
la fin de la journée... et le temps de la provocation maximum : pourquoi
faire passer les derniers en premiers ? Le maître de maison n’aurait-il
pas pu faire venir les premiers d’abord, ils seraient partis avec leur denier,
sans s’apercevoir de la générosité du maître pour les autres... Mais non, au
Royaume on ne vit pas comme cela. Alors, les peu considérés que nul n’avait
embauchés, passent en premier, et reçoivent un denier : c'est-à-dire, ce
qu’il faut pour vivre aujourd’hui. Ils se sont donnés, le temps où ils ont été
embauchés, ils en reçoivent la vie. Les suivants arrivent, ils ont vu, et se
prennent à espérer recevoir plus, puisqu’ils ont travaillé plus. Et déconvenue
totale : ils reçoivent un denier : ils reçoivent de quoi vivre
aujourd’hui. Et bonjour le murmure, la jalousie... Où est la racine de ce
murmure : dans la manière d’accueillir le travail sans doute. Notez que la
traduction que nous avons eue de ce texte, nous met sur la pente glissante,
disant qu’au début de la journée, le maître du domaine convient du
salaire : un denier pour la journée. Le mot « salaire » ne
figure pas dans l’original. Il est parlé d’un accord, une symphonie (c’est la
racine grecque de ce terme). Ils se sont mis d’accord, chacun donnant ce qu’il
a : l’homme offre son travail, collaboration au domaine, au Royaume, Dieu
offre le denier nécessaire à la vie quotidienne, sous entendu il donne la vie.
Dans le cœur de Dieu, nous sommes dans la logique du don, il donne largement,
abondamment, sans compter, parce qu’il est bon et qu’il nous aime. Dans nos
pensées humaines, nous comprenons : Dieu embauche, si nous travaillons
pour lui, nous avons droit à un salaire, c’est tellement bien dans nos
têtes, que même les traductions y succombent.
Et nous
nous présentons devant Dieu avec la feuille de paie ! C’était bien la
question de Pierre à Jésus : nous avons tout quitté pour te suivre, alors
quelle sera notre part ? notre salaire ?
Et Jésus en
une parabole provocante, lui glisse, si tu veux un salaire, je te donne ce
qu’il faut pour vivre, je te donne la vie... mais celui qui viendra après toi,
conscient de ne rien pouvoir réclamer, je l’aimerai tout autant, et je lui
donnerai la vie gratuitement.
C’est bien
ce qui s’est passé sur la croix, avec l’ouvrier non de la dernière heure, mais de
la dernière seconde, qu’est mon ami, le bon larron, crucifié avec Jésus, qui
reçoit la promesse d’entrer au Royaume, le jour même. Le voilà canonisé avant
sa mort par Jésus lui-même !
C’est bien
l’expérience de st Paul que nous rapporte la lettre aux Philippiens. Paul est
le dernier arrivé des apôtres, l’apôtre de la dernière heure. Il est en prison,
en attente du prononcé de jugement qui lui fera retrouver la liberté pour
annoncer l’évangile ou qui le conduira au martyre. Et pour lui l’important est d’être
avec Jésus. Si cela arrange le Père que Paul œuvre encore sur terre, il est
prêt, s’il est appelé de suite par le martyre, il est prêt de même. C’est un
homme libre, qui n’a qu’un souhait : que sa vie, que sa mort témoigne de
l’évangile. Il ne compte pas gagner son paradis, il sait qu’il le
recevra ! Il est libre et heureux d’être embauché pour le royaume et cela
lui suffit ! Il n’attend aucun salaire en retour de son dévouement, il
aime, il est aimé : il y a Dieu et cela lui suffit !
Sr
Thérèse-Marie
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