Méditation pour le 7ème dimanche de Pâques A
(Ac 1, 12-14 / Ps 26 / 1 P 4, 13-16 / Jn 17, 1b-11 a)
Père, ce n'est pas pour le monde que je prie, mais pour
ceux que tu m'as donnés !
Elle ne vous choque pas cette prière de Jésus ?
Pourquoi ne prie-t-il pas pour le monde ? Jean plus haut en son évangile
ne dit-il pas que Dieu a tant aimé le monde, qu’il a donné son Fils
unique... et encore Dieu a envoyé son Fils dans le monde, non pas pour
juger le monde, mais pour que par lui le monde soit sauvé ![1]
Alors vous la comprenez cette prière de Jésus... ce n’est
pas pour le monde que je prie ?
On a le choix : se scandaliser définitivement et
déclarer que saint Jean ce n’est pas pour nous... Ou creuser... Une première
approche sera de déclarer que ce n’est pas le même sens qu’il faut donner au
mot monde, dans les deux versets que je viens de citer. Et découvrir que
si Jésus ne prie pas pour le monde, c’est qu’il ne peut forcer cet
univers qui le refuse. Jésus ne s’impose pas. Si le monde le rejette, il
accepte, s’incline et se retire sur la pointe des pieds. Bref, il accepte
l’échec définitif de sa mission. C’est cela le prix de l’amour : il ne
s’impose pas. Il laisse à chacun la liberté de l’accueillir ou non. Si prier
pour le monde est équivalent à dire : Père oblige les à m’accueillir. On
comprend aisément que Jésus ne peut faire une telle prière.
Peut-être me direz vous alors, que les saints, eux n’ont eu
de cesse de prier pour ceux qui refusaient Dieu. Isaac le Syrien pour ne citer
que lui, a prié résolument pour serpents et démons ! Est-il dans
l’erreur ? Jésus nous a demandé de prier pour nos ennemis... alors ?
Mais au fait : si Jésus en ce moment précis, ne prie
pas pour le monde, n’est-ce pas parce qu’il nous confie cette prière ?
Et lorsqu’il délègue, il délègue vraiment. Vous allez me demander avec raison
d’appuyer quelque peu une telle lecture qui pourrait être dérangeante, car si
cette interprétation est bonne, elle nous engage !!!
La prière de Jésus dont nous venons de lire un extrait se
situe dans l’évangile de Jean, comme la conclusion de son discours d’adieu. Tel
Jacob, Moïse, Samuel[2], au terme de sa vie, Jésus rassemble les
siens, et leur confie son testament. Ce discours est encadré, très
heureusement, par un geste et une prière. Le geste : une parole en
acte résume tout le testament, c’est le lavement des pieds. En ce geste, Jésus
nous dit que si nous voulons voir Dieu, il faut nous pencher vers celui qui se
tient là, à nos pieds, pour nous servir, pour nous laver les pieds. (Si on prie
à genoux, ce n’est peut-être pas tant pour se tenir humblement devant sa
Majesté, que pour se mettre à hauteur de notre Dieu ! Dieu ne s’impose
pas.) Ce geste Jésus le conclut en disant : faites de même ![3]
L’évangile de ce jour, la prière de Jésus achève son
testament. Cette prière nous partage l’intimité de Jésus avec son Père, dévoile
sa relation filiale, et sa perception de la mission. Elle témoigne de ce que
Jésus a voulu vivre dans le lavement des pieds, comme en toute sa vie, ce qu’il
veut achever de révéler en ce Testament. Jésus est venu nous dire le visage du
Père. Dieu est amour, et parce qu’il est amour, il est serviteur.
Dieu est amour, et parce qu’il est amour, il n’est que don,
partage, vie en abondance. Et ce don qu’est Dieu le Père, Jésus l’a reçu
en plénitude, pour le donner à son tour.
Maintenant l’heure de Jésus est venue, où il retourne
au Père, en confiant à ses disciples ce monde que Dieu a tant aimé :
Comme le Père m’a envoyé, moi aussi je vous envoie. Jean aurait pu
écrire ici Jésus a tant aimé le monde, qu’il lui donne ses disciples !
Jésus en cette prière dit tout le mouvement de son
incarnation, et nous y entraîne. Jésus quitte le monde, il nous le confie, il
nous y envoie : c’est à nous de prier pour le monde et d’y révéler le
visage du Père.
C’est bien ce que nous découvre le livre des Actes des
Apôtres : après l’Ascension de Jésus, les disciples se retrouvent en la
chambre haute pour prier, le fruit de leur prière ce sera le don de l’Esprit au
jour de Pentecôte. Et ce don les lancera à la rencontre du monde, porteurs de
vie, porteurs du salut de Dieu. Prière et mission sont toujours liées.
Alors dites-moi, pouvons-nous l’accueillir cette prière de
Jésus : Père je ne prie pas pour le monde... car j’ai confié à mes
disciples cette tâche. Je prie pour eux, à qui je confie le monde !
Qu’à ma suite, ils l'aiment et lui proposent ton amour.
Grandeur de la foi de Jésus : il n’a que nous tous
croyants répandus à travers le monde, pour y porter le salut, la vie ! Nous
tous ici rassemblés, nous sommes invités à porter notre monde au Père par la
prière, nous sommes invités à être en notre monde présence de Dieu, visage du
Père !
En communiant au corps et au sang de Jésus, devenons ce que
nous recevons : le corps du Christ pour la vie du monde !
Sr Thérèse-Marie
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