27 mars
2011 : 3ème dimanche du Carême A : la Samaritaine.
Commentaire
des textes.
La lecture
du livre de l’Exode s’achève sur une question : « Le Seigneur est-il
vraiment au milieu de nous ou bien n’y est-il pas ? » Le peuple a mis
Dieu au défi. Dieu aurait pu répondre par une juste colère, mais il préfère
répondre en faisant jaillir l’eau du rocher. Il étanche la soif humaine, physique,
comme un geste de bonté sur ce chemin du désert qui est une lente éducation à
la liberté. Être libre, cela ne s’apprend pas du jour au lendemain.
Comme nous
l’apprend la deuxième lecture, Dieu n’attend pas que nous soyons parfaits –
parfaitement accordés à lui – pour nous offrir le salut.
Comme un
père qui éduque ses enfants, il n’attend pas que l’enfant soit parfait pour lui
donner de bonnes choses, mais il attend tout de même quelque chose. Ce quelque
chose qui fera que nous pourrons accueillir sa grâce.
Le psaume
nous en donne la clé :
« Aujourd’hui,
écouterez-vous sa parole ? Ne fermez pas votre cœur comme au
désert... »
Le
« cœur fermé » : voilà l’obstacle.
Au désert,
le peuple a soif et récrimine contre Dieu : cette récrimination,
voilà le poison. Voilà l’attitude intérieure qui empêche l’homme de voir que le
Seigneur est vraiment avec lui. Voilà l’attitude intérieure qui obstrue
la source, qui empêche Dieu lui-même de se donner...
Voilà
pourquoi le psaume nous invite, aujourd’hui, à ne pas fermer notre cœur,
à ne pas avoir le cœur « bouché », endurci, blasé... Que faut-il
faire alors ? Réponse dans le psaume : « aujourd’hui,
écouterez-vous sa parole ? »... « écouter » : rien que
ça, c’est déjà ouvrir son cœur.
Et dans la
lettre aux Romains, cela devient : « avoir la foi ». Si nous
avons la foi (même un tout petit peu, même simplement déjà le désir de la foi),
nous avons « accès au monde de la grâce et nous y sommes établis ».
Qu’est-ce
que cela donne pour la Samaritaine ?
Elle a
soif, elle aussi : sinon, elle ne viendrait pas au puits.
Le puits,
sociologiquement, c’est le lieu de la rencontre, mais elle y vient à l’heure la
plus chaude du jour, pour être sûre de n’y rencontrer personne. Dans quel état
est son cœur ?
Surprise :
elle va rencontrer quelqu’un qui a soif, lui aussi, plus encore qu’elle,
peut-être. Soif de lui donner de l’eau vive. Comment va-t-il s’y prendre ?
Très vite,
dans la conversation, Jésus va lui donner la clé de ce qu’il voudrait qu’elle
comprenne – que nous comprenions. Voici une parole extrêmement belle et
importante, une phrase que nous devrions tous connaître par cœur et ruminer au
long des jours :
« Si
tu savais le don de Dieu, si tu connaissais celui qui te dit ‘donne-moi à
boire’, c’est toi qui lui aurais demandé, et il t’aurait donné de l’eau
vive ».
La
Samaritaine n’a pas le cœur dur. Elle entre dans le jeu du dialogue. Peut-être
par curiosité, d’abord, ou par un jeu un peu frivole, peut-être par
opportunisme (« donne-la moi, cette eau, que je n’aie plus soif et que je
n’aie plus à venir ici pour puiser ») : peu importe l’intention
profonde du départ : elle n’a pas le cœur fermé – et cela permet à Jésus
de l’entraîner peu à peu, à son rythme, vers une plus grande profondeur, une
plus grande authenticité.
Authenticité,
vérité, tel est le mot. Quand Jésus parvient à créer une confiance telle que la
femme ose à son tour une parole vraie (et sa vérité à elle n’est pas si facile
à dire, puisqu’il s’agit d’avouer une vie conjugale quelque peu bousculée),
alors le terrain est préparé pour une révélation tout à fait inouïe : elle
amène dans la conversation la question du Messie. Et Jésus lui dit tout de
go : « je le suis, c’est moi, moi qui te parle ».
Merveilleuse
pédagogie du Christ, respectant nos détours et nos raccourcis, nos lenteurs à
comprendre, nos peurs de trop bien comprendre...
Oui, le
cœur de la Samaritaine était ouvert. Et le résultat ne se fait pas attendre.
Comme Jésus avait promis que celui qui boirait l’eau vive verrait naître en
lui-même une source jaillissante, ainsi la Samaritaine devient source
elle-même. Elle n’a plus besoin de sa cruche. L’eau vive qui l’habite retombe
en cascade sur les habitants de sa ville : à leur tour, découvrant leur
soif, ils se tournent vers Jésus et professent leur foi : « nous
savons que c’est vraiment lui le Sauveur du monde ».
Nous voici
donc, aujourd’hui, devant un beau défi : si nous ne fermons pas
notre cœur, si nous ne nous enfermons pas dans notre soif égocentrique, si nous
osons croire au don de Dieu, si nous accueillons cette grâce en laquelle nous
sommes établis, si nous laissons jaillir l’eau vive jusqu’à éclabousser les
autres, alors, notre soif ne sera pas vaine
Et nous
rencontrerons Jésus à la table de son Eucharistie.
Sr Marie-Raphaël