Aujourd'hui, 10 février, nous fêtons sainte Scholastique. Ce
nom étrange ne vous dit peut-être rien... Il signifie "celle qui a du
loisir". Je traduirais volontiers "celle qui a du loisir pour
Dieu". Oui, sainte Scholastique est la soeur de saint Benoît, et elle est
chère à toutes les bénédictines.
Nous ne connaissons pas grand chose d'elle, mais le peu que
nous a légué la tradition nous la rend extrêment sympathique. Tandis que le
peuple se lamentait qu'il n'y avait plus de saints, le pape Grégoire le Grand
s'est mis à écrire "les dialogues", pour montrer la vie de saints de
son temps. Et il a fait la part belle à saint Benoît. C'est au sein du récit de
la vie de Benoît que nous découvrons le visage de sainte Scholastique. Voici ce
qu'il en dit...
XXXII 4. PIERRE Dis‑moi, je te prie, si les
saints peuvent tout ce qu'ils veulent et obtiennent tout ce qu'ils désirent
obtenir.
XXXIII GRÉGOIRE. Qui donc, Pierre, a été
plus élevé en cette vie que Paul? Et pourtant trois fois il demanda au Seigneur
d'être libéré de l'aiguillon de sa chair et il ne put obtenir ce qu'il voulait.
A ce propos, il faut que je te raconte comment le vénérable Père Benoît voulut
un jour une chose et ne put réaliser son désir.
2. Sa soeur, nommée Scholastique, consacrée dès l'enfance
au Seigneur tout‑puissant, avait l'habitude de venir le voir une fois par an.
L'homme de Dieu descendait à sa rencontre non loin de la porte, dans une
dépendance du monastère. Un jour, elle vint comme de coutume, et son vénérable
frère descendit avec des disciples pour la voir. Toute la journée se passa à
louer Dieu et à parler de choses saintes. Les ombres de la nuit tombaient quand
ils prirent leur repas ensemble. On était encore à table à parler de choses
saintes, quand la religieuse sa soeur le pria en ces termes: " Je t'en prie,
ne me quitte pas cette nuit. Jusqu'au matin parlons des joies de la vie
céleste." Il répondit: "Que dis‑tu là, ma sœur! Rester hors du
monastère, je ne le peux absolument pas".
3. Le ciel était alors d'une sérénité parfaite, sans un
nuage. La religieuse à ce refus de son frère, posa sur la table ses mains, les
doigts entrelacés, et inclina la tête dans ses mains pour prier le Seigneur
tout puissant. Quand elle la releva, ce fut un éclat violent d'éclairs,
tonnerre, pluie diluvienne, tant et si bien que ni le vénérable Benoît ni les
frères qui l'accompagnaient ne pouvaient franchir le seuil du lieu où ils se
trouvaient La religieuse, en inclinant la tête dans ses mains, avait
versé sur la table des fleuves de larmes par lesquels elle amena la sérénité du
ciel à la pluie. Et ce ne fut pas un peu après sa prière que l'inondation
s'ensuivit, mais la simultanéité fut telle de la prière et de l'inondation
qu'au moment où elle leva la tête de la table, le tonnerre éclatait déjà. A
l'instant même où la tète se leva, la pluie tomba.
4. Alors l'homme de Dieu, parmi les éclairs, les
tonnerres et l'immense inondation de la pluie, voyant qu'il ne pouvait rentrer
au monastère, commença à se plaindre, tout triste: " Que Dieu tout‑puissant
te pardonne, ma soeur! Qu'est‑ce que tu as fait là ?" Elle répondit:
"Voilà! Je t'ai prié, et tu n'as pas voulu m'écouter. J'ai prié mon
Seigneur, et il m'a écoutée. Maintenant donc, si tu peux, sors! Laisse-moi et
rentre au monastère. " Mais lui ne pouvait sortir au‑delà du toit. Il
n'avait pas voulu rester de bon gré, il resta de force. Et voilà comment ils
passèrent toute la nuit à veiller, en se rassasiant mutuellement de saints
propos sur la vie spirituelle.
5. J'ai donc dit qu'il avait voulu quelque chose, mais
sans résultat. Car si nous considérons la pensée de l'homme vénérable,
évidemment il aurait souhaité que le beau temps qu'il avait eu pour descendre
continuât, mais contre son désir, par la force de Dieu tout‑puissant, il trouva
un miracle suscité par le cœur d'une femme. Ce n'est pas étonnant qu'une femme
en cette occasion ait été plus forte que lui, elle voulait voir plus longtemps
son frère. Selon la parole de Jean, "Dieu est amour", et par un
jugement tout à fait juste, elle fut plus puissante parce qu'elle aima
davantage.
PIERRE J'avoue que cela me plaît beaucoup, ce que tu dis.
XXXIV GRÉGOIRE. Le lendemain, la vénérable femme revint à
sa maison, et l'homme de Dieu rentra au monastère. Trois jours après, comme il
était chez lui, ayant levé les yeux dans les airs, il vit l'âme de sa sœur,
sortie de son corps, pénétrer les profondeurs mystérieuses du ciel sous la
forme d'une colombe. Tout réjoui d'une telle gloire, il rendit grâces à Dieu
tout‑puissant dans ses hymnes de louange, et il annonça le décès aux frères.
2. De plus, il les envoya aussitôt pour ramener son corps
au monastère, où on le placerait dans le tombeau qu'il s'était préparé pour
lui-même. De cette manière il arriva que ceux dont l'esprit avait toujours été
uni en Dieu ne furent pas non plus séparés de corps par la tombe.
(traduction de Adalbert de Vogüé)
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