22 février
2012 : mercredi des Cendres.
Recueillons
dans chacune des lectures d’aujourd’hui un mot qui pourrait nous accompagner
tout au long de ce Carême.
1. Dans le
prophète Joël : le mot « revenir ». Ce mot résonne trois fois
dans la lecture. Deux fois sous mode impératif (« revenez à moi »,
« revenez au Seigneur ») et une fois comme une supposition dont Dieu
est le sujet : « qui sait ? Il pourrait revenir... ».
Revenir n’est donc pas que le fait des hommes : Dieu aussi peut revenir.
Qu’est-ce à dire ?
Le verbe
« shuv » désigne dans son sens premier le fait de se retourner vers
un lieu que l’on avait quitté. Il y a un retournement et une marche. Du fond de
leur exil, les enfants d’Israël ont entendu cet appel à « revenir ».
Revenir sur la terre qu’ils avaient quittée, mais aussi, en un sens plus
spirituel, « revenir vers Dieu » dont on s’était détourné. Au sens
spirituel, le mot va donc désigner le fait de « se convertir ». Mais
se convertir, « revenir à Dieu », n’est pas chose facile. Il y faut
l’aide de Dieu. On trouve chez le prophète Jérémie un beau jeu de mots à ce
sujet. Il dit : « fais-moi revenir et je reviendrai ». Et dans
le psaume 79, nous chantons trois fois le refrain : « Dieu, fais-nous
revenir et nous serons sauvés ». C’est la forme causative du verbe qui
fait que Dieu lui-même devient le sujet de notre conversion. Il fait,
pourrait-on dire, la moitié du travail. Et le psaume va même plus loin quand il
dit à Dieu, sous mode impératif : « Dieu de l’univers,
reviens ! ». Ainsi donc, Dieu lui-même peut-il « revenir »,
se convertir ? Comme dans l’expression française « revenir sur sa
décision ». Dieu peut-il changer d’avis ? Il y a des textes de la
Bible qui affirment que Dieu ne change pas, ne reprend pas sa parole, ne
revient pas en arrière. Mais il y aussi des passages, comme ici, chez Joël et
aussi chez Jonas, où l’on voit Dieu « revenir » sur sa décision,
revenir de sa colère et de son irritation, se laisser « fléchir » par
le repentir de son peuple ou par l’intercession de Moïse. Dieu serait-il donc inconstant ?
Infidèle à lui-même ? En fait, s’il revient de sa colère et renonce au
châtiment, c’est précisément parce qu’il est fidèle à lui-même, à ce qui fait
l’essentiel de son être : un « Dieu tendre et miséricordieux, lent à
la colère et plein d’amour ». C’est ainsi qu’il s’est révélé à Moïse. Et
de prophète en prophète, c’est ce visage-là de Dieu qui se confirme.
Dieu, en ce
Carême, est donc le Dieu qui revient, qui, le premier, se tourne vers nous pour
nous faire revenir à lui. Alors, nous aussi, nous tournant vers lui, nous
reviendrons.
2. Un mot
du psaume : je propose de retenir le mot « joie » (dans le
verset « rends-moi la joie d’être sauvé »), car, comme le dit saint
Benoît, le Carême doit être un temps de joie : joie spirituelle très
profonde, très intérieure, qui provient de la certitude d’être sauvé.
3. Un mot
de la lettre aux Corinthiens : le « moment favorable ». Le
Carême est un temps de grâce pour qui veut bien s’y ouvrir. Saint Paul nous
exhorte à ne pas passer à côté de cette grâce. La grâce d’une réconciliation
avec Dieu, c’est-à-dire, si on regarde l’étymologie de ce mot, la grâce de se
laisser transformer au plus intime par le don d’une liberté intérieure qui est
donnée gracieusement.
4. Un mot
de l’évangile : « en secret ». Dans le texte de Joël, il fallait
sonner de la trompette et réunir tout le peuple pour une solennité. Ici, au
contraire, « ne fais pas sonner la trompette », Jésus insiste sur le
caractère individuel et discret de la démarche de conversion : nul ne peut
s’y dérober et le seul témoin de notre conversion intérieure doit être le Père
du Ciel. Jésus nous engage à être authentiques dans notre relation à Dieu, à
nous-mêmes et aux autres. Le jeûne, la prière et le partage doivent être avant
tout une affaire de conversion du cœur. « Ton Père voit ce que tu fais en
secret » : cette phrase est répétée trois fois ! C’est aussi
celle du premier degré d’humilité selon saint Benoît : avoir conscience du
regard de ce Père aimant, qui est présent à toute pensée secrète et à toute
action cachée.
Que ce
temps de Carême soit donc pour nous un « moment favorable » pour
« revenir à Dieu » de tout notre cœur et pour goûter la « joie
d’être sauvé » sous le regard plein de tendresse de notre Père qui
« voit ce que nous faisons en secret » et s’occupe lui-même de nous
faire porter du fruit.
Amen.
Sr Marie-Raphaël
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