Méditation pour le 6ème dimanche du temps ordinaire (B)
N’oublie
pas, Seigneur, le cri des malheureux ! Avec le psalmiste, nous venons
de chanter ce refrain de tout notre cœur. Mais franchement, vous croyez, vous,
que le Seigneur peut oublier ce cri ? Vous croyez que Dieu peut rester
sourd à la détresse des hommes, des femmes et des enfants d’hier comme
d’aujourd’hui ?
Le
psalmiste poursuit sa prière, dans la dernière strophe que nous avons
chantée : des hauteurs, son sanctuaire, le Seigneur s’est penché ;
du ciel, il regarde la terre, pour entendre la plainte des captifs, et libérer
ceux qui devaient mourir ! Le psalmiste lui-même rectifie :
le Seigneur n’est pas Dieu de l’oubli qui n’a cure de nos maux et nos
détresses. Que du contraire, des hauteurs, de ce lieu où nous le pensons
sans tourment, inatteignable, il se penche. Cela ne lui dit absolument
rien de se tenir loin de nos peines et misères. Il se penche, il
regarde la terre pour entendre la plainte des captifs... c’est fort cette
manière de dire, c’est profond : il regarde pour entendre... tout
ce que nos lèvres n’arrivent plus à articuler, tous les cris retenus dans la
douleur de nos âmes, de nos cœurs, de nos corps torturés, il les regarde,
et par ce seul regard, il entend. Il entend tout ce que nous n’osons
dire, tout ce que nous n’arrivons plus à dire, écrasés de douleurs et de
peines. Son regard entend ! N’avez-vous jamais fait l’expérience,
tandis que la souffrance vous déchirait, de croiser un regard de tendresse, d’y
recevoir l’écoute, la présence. Tel est notre Seigneur, il regarde la terre
dont nous sommes pétris... pour entendre... et libérer ceux qui devaient
mourir.
Il
regarde... même si nous sommes affreux ? mutilés ? pécheurs au plus
haut point ? Oui ! C’est bien là ce que nous dit l’évangile de ce
jour en rapportant la rencontre de Jésus avec un lépreux.
La lèpre,
au temps de la Bible, était perçue comme grave, dangereuse, pouvant contaminer
tous ceux qui en approchent. Il n’y avait alors aucun remède connu. Elle
mutilait irrémédiablement ceux qu’elle atteignait. Elle était perçue comme une
défiguration profonde de l’être initialement créé à l’image de Dieu. Elle était
ressentie plus comme marque de péché, que comme maladie, c’est pourquoi on
parlait plus d’en être purifié que d’en être guéri ! Le lépreux portait en
son corps la marque de son péché, qui le tenait à l’écart de la communion avec
le peuple, qui l’éloignait du peuple de Dieu ! Et le livre du Lévitique
légiférait sur le comportement à adopter en cas de lèpre. La mise à l’écart du
camp était comme synonyme de mort : à l’époque nomade, être retranché du
peuple, c’était être exclu du monde des vivants, rejoindre les ténèbres et
l’ombre de la mort.
Et voici
que l’Évangile de ce jour, nous présente un lépreux pour le moins
audacieux, il transgresse l’interdit : au lieu de se tenir à l’écart
comme la loi le lui impose, il vient trouver Jésus, il tombe à ses genoux et
le supplie ! Il supplie Jésus de le réintégrer dans la sphère
des vivants, en le purifiant ! Si tu le veux, tu peux me
purifier ! Prière pour le moins maladroite. Un Dieu bon,
pourrait-il refuser de faire le bien qui est en son pouvoir ? Mais prière
confiante, suppliante, espérante ! Moi lépreux j’ai fait la part qui me
revient... transgressant la loi, je suis venu à toi, sûr que tu es plus grand
que nos préceptes et lois ! A toi d’agir maintenant !
Et Jésus,
de répondre. D’abord en confirmant son vouloir bon : bien sûr je veux te
purifier ! Et transgressant à son tour la loi, il touche le lépreux !
Il se penche, il regarde la terre pour entendre la plainte des
captifs ! Il libère cet homme de la lèpre qui l’excluait de la
communauté humaine.
Et aussitôt
Jésus envoie l’homme purifié se montrer au prêtre, selon le précepte de la loi
de Moïse. Nous ne sommes pas du tout dans une spirale de transgression de la
loi pour le plaisir. Mais dans une observance de la loi, tant qu’elle est vie.
Un dépassement quand elle est mort.
C’est bien
ce que Paul essaie de vivre à la suite de Jésus, et qu’il nous recommande dans
sa lettre aux Corinthiens. Tâcher de s’adapter à tout le monde, en cherchant
l’intérêt de la multitude, pour qu’ils soient sauvés.
Même si le
résultat est pour le moins surprenant : le lépreux, purifié, est réintégré
dans la société, et Jésus lui, est renvoyé à l’écart, loin des lieux habités.
Il a pris la place du lépreux, de l’exclu, du rejeté. Dès le début de
l’évangile il se trouve mis à l’écart, comme au terme il sera crucifié hors de
la ville.
Voilà où il
nous faut désormais le chercher : aux cotés de l’exclu, du petit, du
rejeté. Regarder la terre de nos frères et sœurs, pour entendre la
plainte du captif, et libérer ceux qui devaient mourir.
Sr Thérèse-Marie
Il regarde... pour entendre!
RépondreSupprimerParfois je regarde des photos de gens que j'aime et ils me parlent. Ce sont des souvenirs qui remontent à la surface mais parfois aussi une forme d'éveil de la conscience, une forme
d'encouragement.
Que dire alors de ces regards plein d'empathie qui donne confiance en soi.
Que veux-tu que je fasse pour toi ? Sans doute n'était-il pas nécessaire de poser la question. Tout est dit dans le regard avant même de susciter la question.
Invitation à visiter notre impuissance, notre manque, notre souffrance quand déjà, par immersion, Il en a fait sa demeure. Pas de lois, pas de barrière possible à un Amour plus fort que la
mort.
Emotion de la rencontre avec le Vivant qui le guérit. A travers le regard, le souffle d'amour traverse les corps dans le secret des coeurs. C'est une communication en mouvement, un élan donné que
de l'extérieur nous ne pourrons pas voir.
Secrète intimité et secrète guérison!...bien entendu.
Il y a, dans l'évangile de Marc, cette rencontre avec le jeune homme riche où il est dit : "Jésus le regarda jusque tout au fond et il l'aima" Regard de tendresse posé sur cet homme, travail du
souffle d'Amour. L'homme a tout entendu...se laissera-t-il aimer?
Merci pour cette homélie en forme de visitation. Bonheur de la rencontre.