dimanche 12 février 2012

Il regarde... pour entendre

Méditation pour le 6ème dimanche du temps ordinaire (B)
N’oublie pas, Seigneur, le cri des malheureux !  Avec le psalmiste, nous venons de chanter ce refrain de tout notre cœur. Mais franchement, vous croyez, vous, que le Seigneur peut oublier ce cri ? Vous croyez que Dieu peut rester sourd à la détresse des hommes, des femmes et des enfants d’hier comme d’aujourd’hui ?
Le psalmiste poursuit sa prière, dans la dernière strophe que nous avons chantée : des hauteurs, son sanctuaire, le Seigneur s’est penché ; du ciel, il regarde la terre, pour entendre la plainte des captifs, et libérer ceux qui devaient mourir !  Le psalmiste lui-même rectifie : le Seigneur n’est pas Dieu de l’oubli qui n’a cure de nos maux et nos détresses. Que du contraire, des hauteurs, de ce lieu où nous le pensons sans tourment, inatteignable, il se penche. Cela ne lui dit absolument rien de se tenir loin de nos peines et misères. Il se penche, il regarde la terre pour entendre la plainte des captifs... c’est fort cette manière de dire, c’est profond : il regarde pour entendre... tout ce que nos lèvres n’arrivent plus à articuler, tous les cris retenus dans la douleur de nos âmes, de nos cœurs, de nos corps torturés, il les regarde, et par ce seul regard, il entend. Il entend tout ce que nous n’osons dire, tout ce que nous n’arrivons plus à dire, écrasés de douleurs et de peines. Son regard entend ! N’avez-vous jamais fait l’expérience, tandis que la souffrance vous déchirait, de croiser un regard de tendresse, d’y recevoir l’écoute, la présence. Tel est notre Seigneur, il regarde la terre dont nous sommes pétris... pour entendre... et libérer ceux qui devaient mourir.  
 
Il regarde... même si nous sommes affreux ? mutilés ? pécheurs au plus haut point ? Oui ! C’est bien là ce que nous dit l’évangile de ce jour en rapportant la rencontre de Jésus avec un lépreux.
La lèpre, au temps de la Bible, était perçue comme grave, dangereuse, pouvant contaminer tous ceux qui en approchent. Il n’y avait alors aucun remède connu. Elle mutilait irrémédiablement ceux qu’elle atteignait. Elle était perçue comme une défiguration profonde de l’être initialement créé à l’image de Dieu. Elle était ressentie plus comme marque de péché, que comme maladie, c’est pourquoi on parlait plus d’en être purifié que d’en être guéri ! Le lépreux portait en son corps la marque de son péché, qui le tenait à l’écart de la communion avec le peuple, qui l’éloignait du peuple de Dieu ! Et le livre du Lévitique légiférait sur le comportement à adopter en cas de lèpre. La mise à l’écart du camp était comme synonyme de mort : à l’époque nomade, être retranché du peuple, c’était être exclu du monde des vivants, rejoindre les ténèbres et l’ombre de la mort.
 
Et voici que l’Évangile de ce jour, nous présente un lépreux pour le moins audacieux,  il transgresse l’interdit : au lieu de se tenir à l’écart comme la loi le lui impose, il vient trouver Jésus, il tombe à ses genoux et le supplie !  Il supplie Jésus de le réintégrer dans la sphère des vivants, en le purifiant ! Si tu le veux, tu peux me purifier !  Prière pour le moins maladroite. Un Dieu bon, pourrait-il refuser de faire le bien qui est en son pouvoir ? Mais prière confiante, suppliante, espérante ! Moi lépreux j’ai fait la part qui me revient... transgressant la loi, je suis venu à toi, sûr que tu es plus grand que nos préceptes et lois ! A toi d’agir maintenant !
Et Jésus, de répondre. D’abord en confirmant son vouloir bon : bien sûr je veux te purifier ! Et transgressant à son tour la loi, il touche le lépreux ! Il se penche, il regarde la terre pour entendre la plainte des captifs ! Il libère cet homme de la lèpre qui l’excluait de la communauté humaine.
Et aussitôt Jésus envoie l’homme purifié se montrer au prêtre, selon le précepte de la loi de Moïse. Nous ne sommes pas du tout dans une spirale de transgression de la loi pour le plaisir. Mais dans une observance de la loi, tant qu’elle est vie. Un dépassement quand elle est mort.
C’est bien ce que Paul essaie de vivre à la suite de Jésus, et qu’il nous recommande dans sa lettre aux Corinthiens. Tâcher de s’adapter à tout le monde, en cherchant l’intérêt de la multitude, pour qu’ils soient sauvés.
 
Même si le résultat est pour le moins surprenant : le lépreux, purifié, est réintégré dans la société, et Jésus lui, est renvoyé à l’écart, loin des lieux habités. Il a pris la place du lépreux, de l’exclu, du rejeté. Dès le début de l’évangile il se trouve mis à l’écart, comme au terme il sera crucifié hors de la ville.
 
Voilà où il nous faut désormais le chercher : aux cotés de l’exclu, du petit, du rejeté. Regarder la terre de nos frères et sœurs, pour entendre la plainte du captif, et libérer ceux qui devaient mourir.
 
 Sr Thérèse-Marie

1 commentaire:

  1. Il regarde... pour entendre!

    Parfois je regarde des photos de gens que j'aime et ils me parlent. Ce sont des souvenirs qui remontent à la surface mais parfois aussi une forme d'éveil de la conscience, une forme
    d'encouragement.

    Que dire alors de ces regards plein d'empathie qui donne confiance en soi.
    Que veux-tu que je fasse pour toi ? Sans doute n'était-il pas nécessaire de poser la question. Tout est dit dans le regard avant même de susciter la question.
    Invitation à visiter notre impuissance, notre manque, notre souffrance quand déjà, par immersion, Il en a fait sa demeure. Pas de lois, pas de barrière possible à un Amour plus fort que la
    mort.
    Emotion de la rencontre avec le Vivant qui le guérit. A travers le regard, le souffle d'amour traverse les corps dans le secret des coeurs. C'est une communication en mouvement, un élan donné que
    de l'extérieur nous ne pourrons pas voir.
    Secrète intimité et secrète guérison!...bien entendu.

    Il y a, dans l'évangile de Marc, cette rencontre avec le jeune homme riche où il est dit : "Jésus le regarda jusque tout au fond et il l'aima" Regard de tendresse posé sur cet homme, travail du
    souffle d'Amour. L'homme a tout entendu...se laissera-t-il aimer?

    Merci pour cette homélie en forme de visitation. Bonheur de la rencontre.

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