dimanche 29 janvier 2012

Aujourd'hui, écouterons-nous ?

Méditation pour le 4ème dimanche du Temps ordinaire année B 
J’aimerais vous voir libres de tout souci ! Allez, avouez-le, vous m’attendez pour vous expliquer que bien entendu, les sœurs n’ayant pas de mari n’ont de souci autre que d’aimer le Seigneur ! Merci Saint Paul pour ce piège matinal ! Il faudrait en fait commencer par traduire préoccupations (inquiétudes, tracas...) plutôt que soucis qui a plus une connotation d’agacement et d’irritation... et bien noter que Saint Paul, constate aussi vite que nul n’est sans préoccupation :  celui qui ne se marie pas, en vue de vivre pour Dieu, se préoccupe des affaires du Seigneur, il choisit d’ordonner tout son amour en fonction de Dieu, ce qui ne le libère en rien de toute préoccupation matérielle, mais oriente toute son activité en vue de ce seul amour.
Père Marc de l’abbaye d’Orval, disait que les moines et moniales étaient des pauvres gens, qui avaient besoin des grands moyens pour parvenir à la vie chrétienne à laquelle tous sont appelés ! Je me rallie aisément à cette vue.
Je crois que nous pouvons recevoir cet extrait de la première lettre aux Corinthiens comme une invitation lancée à tous, ce matin : revenir à l’essentiel, centrer notre vie sur Dieu, qui nous aime et veut se donner à nous ! Et une fois ainsi centrés nous pourrons alors aller à la rencontre des personnes et des événements le cœur paisible, habité d’un amour plus fort que toute mort, que toute épreuve... nous pourrons orienter toute notre activité en vue du Royaume auquel tous nous sommes invités.
 
Le psaume nous a exhorté : aujourd’hui écoutons la voix du Seigneur, que cette voix soit plus forte que tout, et atteigne notre cœur. Il nous a faits, et nous sommes à lui. Voilà la source de notre vie confiante !
 
Mais, tant que nous sommes, nous savons bien par expérience qu'écouter la voix du Seigneur n’est pas chose aisée ! Déjà le peuple de la première alliance avait fait cette même expérience : il était terrifié. Le peuple au désert avait interprété les grandes manifestations de la nature : tonnerre, éclair, feu... comme autant de manières pour Dieu de parler. On comprend la réaction du peuple, qui dit alors à Moïse : nous ne voulons plus que Dieu nous parle directement, qu’il nous parle par un homme comme toi et nous, alors nous écouterons, sans être terrorisés. Et le Seigneur avait accepté cette demande, et promis de donner un prophète, un homme qui porterait sa parole au peuple.
 
Cet homme nous le trouvons dans l’évangile, le voici qui entre à la synagogue de Capharnaüm, et parle au peuple rassemblé le jour du sabbat. Et tous s’étonnent de son enseignement, car il enseigne avec autorité, et non comme les scribes. Si on regarde le terme grec qui est sous-jacent, pour tenter de comprendre ce que signifie « enseigner avec autorité », on trouve un terme qui dit le pouvoir, la capacité, la liberté... Jésus devait parler en homme libre, avec cette totale adéquation entre sa parole et son agir. Comme aux premiers versets de la Bible, en Dieu la parole fait ce qu’elle dit !
Le peuple avait demandé que Dieu parle par un homme, voici Jésus, au milieu des hommes leur parlant, simplement, naturellement, mais cette parole n’en est pas plus facile à entendre. A sa parole, un homme se met à crier : Que nous veux-tu Jésus de Nazareth ? Es-tu venu pour nous perdre ? Je sais fort bien qui tu es, le Saint, le Saint de Dieu !  
Es-tu venu pour nous perdre ? le peuple au désert avait peur de mourir s’il écoutait directement la voix de Dieu. Cet homme habité d’un esprit mauvais, comprenez d’un esprit opposé à Dieu, se sent mis en danger par la seule parole de Jésus. Es-tu venu pour nous perdre ?  Et Jésus interpelle, et muselle cet esprit : Silence, sors de cet homme.  Non, Jésus n’est pas venu pour perdre, mais pour sauver, pour rendre cet homme à sa liberté. Il était enchaîné en lui-même par un esprit qui le détruisait, Jésus le libère.
On comprend que ce premier geste de Jésus, geste de libération, se passe à Capharnaüm, dont le nom signifie : ville de la compassion, de la consolation.
 
Jésus nous fait entrer dans une nouvelle intelligence de la Parole de Dieu, elle n’est point là pour terrifier, terroriser, faire mourir, mais pour faire vivre.
Mais écouterons-nous cette parole ? l’accueillerons-nous ?  accepterons-nous qu’elle vienne nous toucher là où nous sommes enchaînés par un esprit mauvais, par des pensées qui sont mortifères, et nous écartent de lui.
 
Comment n’avoir souci que de notre seul amour qui est Dieu ? en se laissant toucher par sa Parole, en se laissant guérir par sa Parole.
Aujourd’hui, écouterons-nous cette Parole ?
 
Aujourd'hui, pour chacune et chacun de nous, pour nos communautés, par quels humains Dieu nous parle-t-il ? Et à quoi nous invite-t-il ? Et comment sommes-nous touché(e)s au cœur par ces paroles humainement divines ou divinement humaines ?

Sr Thérèse-Marie 

mercredi 25 janvier 2012

Conversion

Méditation pour la fête de la conversion de st Paul 
Comme il y a quatre évangiles, il y a quatre récits de la conversion de Saul, c’est dire l’importance de cette rencontre, le bouleversement que ce fut pour lui ce jour où il s’est laissé toucher par Jésus. Ce n’est pas la première fois que Saul entend parler de Jésus, mais la première fois qu’il laisse Jésus lui parler ! Qu’il s’ouvre à son message.
Loin de ces récits mystico-gélatineux tels qu’il en circule allégrement, le récit de la conversion de Paul est tranchant, il est une mise en route non point d’un païen, mais d’un savant théologien protecteur de sa religion qui va devenir témoin croyant ! Paul est un apôtre super zélé pour la cause du Dieu révélé à Israël. Il se dépense pour l’orthodoxie et l’intégrité de la foi juive. C’est dans son ardeur jalouse pour Dieu, qu’il est sur les chemins, et c’est là que Dieu l’attend.
L’image d’un converti nous est offerte : image d’un homme qui se laisse interpeler, se laisse mettre en question ! 
C’est très intéressant pour nous qui sommes chrétiens, de nous mettre à l’écoute de ce récit. De nous laisser rejoindre, il est si facile de jouer les dogmaticiens, et juger les autres, en campant sur nos vues, et nos idées sur Dieu. La fête d’aujourd’hui qui très heureusement achève la semaine de prière pour l’unité des chrétiens, nous interroge. Toi qui te dis, toi qui te penses artisan zélé pour l’œuvre de Dieu, laisses-tu Dieu lui-même se dire, se révéler à toi, l’accueilles-tu en ta vie ? Il est si facile de vouloir mettre Dieu en boîte, de vouloir le réduire à l’idée que nous avons de lui, d’en faire le prisonnier de nos concepts et de partir en guerre contre qui ne pense pas pareil. Et cela nous a menés à déchirer la "communauté des croyants".
Regardons Paul : il avait été formé à l’école de Gamaliel, une des meilleures écoles de son temps pour apprendre la Torah et le Talmud, pour creuser la foi juive. Et Paul était bien décidé à devenir un homme de Dieu, à défendre sa cause, il était bien décidé à protéger son Dieu de toute attaque païenne. C’est ainsi que lorsque les chrétiens, au sein du judaïsme, se mirent à enseigner de manière nouvelle la Torah, à proposer la foi en Jésus, Paul s’est enflammé. Il s’est fait donner des lettres de mission, pour aller remettre en place ces hérétiques. Le voilà en chemin,... Mais Paul était vrai, sincère, il devait au long de la route, ruminer les Écritures, et prier son Dieu d’être sa lumière et son salut (Ps 26). Et Dieu a vu son désir, il l’a pris au mot, il lui a donné sa lumière. Et Paul s’en trouve soudain renversé, bouleversé... Il passe de l’aveuglement de son assurance de théologien patenté, de l’endurcissement de son cœur dans ses certitudes, à l’éblouissement de la voie de l’amour. Il découvre que le Dieu qu’il veut servir, c’est celui là même qu’il persécute. Et Paul ébloui, aveuglé, lâche prise, se convertit. De celui qui savait, il devient celui qui apprend, qui se laisse remettre en question, qui se laisse conduire par la main jusqu’à Damas, qui apprend à recevoir de ses frères, qui apprend à voir et à entendre pour être non plus détenteur d’un savoir, mais humble témoin !  Ne sommes-nous pas autour de cette table eucharistique, tous et toutes invités à une conversion nouvelle pour laisser Dieu se former en nous ! Prions St Paul de nous mener sur ce chemin ! 
Sr Thérèse-Marie 

dimanche 22 janvier 2012

Fais-moi connaître ta route

Méditation pour le 3ème dimanche du Temps Ordinaire (Année B)
« Seigneur, enseigne-moi tes voies,
Fais-moi connaître ta route,
Dirige-moi par ta vérité, enseigne-moi... »
 
Cette demande du psalmiste pourrait être la nôtre en ce dimanche...
Les lectures du jour offrent plusieurs pistes pour y répondre.
 
Dans le Premier Testament, nous avons entendu un extrait du prophète Jonas.
Jonas est celui auquel Dieu demanda d’aller prêcher la conversion à Ninive, ville païenne.
Sa première réponse fut éloquente : il s’enfuit loin de Dieu car il n’avait pas envie d’obéir.
C’est ce prophète qui fut englouti dans le ventre d’une baleine, plutôt un gros poisson, pendant trois jours et trois nuits.
Dans l’extrait que nous venons d’entendre, le prophète Jonas consent à annoncer la parole du Seigneur.
Et son message « Encore 40 jours et Ninive sera détruite ! » est persuasif :
« Aussitôt, les gens de Ninive crurent en Dieu. Ils annoncèrent un jeûne, et tous... prirent des vêtements de deuil »
C’est le premier chemin qui nous est proposé en ce jour : chemin de la pénitence, pour se détourner d’une conduite mauvaise, pour éviter la destruction de la ville.
Chemin de la peur, d’une certaine manière...
 
Dans son épître adressée aux Corinthiens, Paul nous offre une autre réponse :
« Le temps est limité », déclare-t-il.
Dès lors, les réalités que nous connaissons sont relatives.
Il synthétise en une phrase :
« Ce monde tel que nous le voyons est en train de passer »
 
Et que nous dit Jésus dans l’Evangile ?
« Les temps sont accomplis... Convertissez-vous et croyez à la Bonne Nouvelle »
Le mot grec pour « temps » est kairos, qui signifie « le bon moment ».
Le moment est donc arrivé où Dieu découvre son Evangile, sa Bonne Nouvelle.
Il la dépose entre nos mains.
Dieu veut offrir à l’homme la vraie vie.
Ce n’est pas le temps du jugement, mais une annonce de la présence salvatrice de Dieu au creux de nos vies.
Et l’homme est invité à répondre à cette proposition.
Dans le livre de Jonas, la réponse des hommes était de faire pénitence.
Mais une autre réponse est possible, celle de l’Evangile, où l’homme répond par la conversion, le retournement, la metanoia.
Ce « convertissez-vous » signifie littéralement « pensez autrement », « voyez au-delà des choses » et vous découvrirez que Dieu est proche.
Jésus veut ouvrir les yeux aux hommes pour qu’ils prennent conscience que Dieu est là, présent, et d’abord en eux-mêmes.
 


« Convertissez-vous »
Cela signifie : détournez-vous des chemins de mort, de non-espérance, de non-joie.
Découvrez autour de vous la présence de Dieu, les graines de son Espérance, les manifestations de sa Joie.
 
Ce changement que Jésus propose est celui-ci : croire en l’Evangile.
Jésus nous invite au saut de la foi, à croire en Lui.
Croire en la Bonne Nouvelle, c’est lui faire confiance, c’est aussi demeurer en elle.
Et ce saut dans la confiance, les disciples l’ont fait avant nous.
L’Evangile l’atteste.
 
« Venez derrière moi », lance Jésus à ses disciples.
Et leur réponse fut radicale. Quoique...
Oui, car la réponse ne recouvre pas tout à fait la demande de Jésus.
Si Jésus leur demandait « venez derrière moi », leur réponse est qu’ils « le suivirent »
Et ce verbe « suivre » peut aussi être traduit par « accompagner ».
« Ils l’accompagnèrent » donc.
Jésus appelle des disciples pour l’accompagner, faire route avec lui.
 
Il nous invite pareillement.
Il interpelle notre liberté.
Il compte sur nous pour œuvrer avec lui, il nous appelle à devenir ses compagnons, ses amis.
Celui qui demeure en cette Bonne Nouvelle trouve la confiance, découvre une stabilité, une assise, quelles que soient les épreuves, les adversités, les contrariétés.
Cette Bonne Nouvelle, c’est la présence de Jésus au creux de nos vies.
Nous ne sommes jamais seuls.
Il nous accompagne sur le chemin... et il souhaite que nous l’accompagnions également.
 
Tel est le projet de Dieu... telle est aussi sa promesse :
« Je ferai de vous des pêcheurs d’hommes »
C’est-à-dire des semeurs de Joie, des porteurs d’Espérance, des vecteurs de Liberté.
Accepterons-nous d’entendre le message de celui qui interpelle notre liberté et nous adresse un appel ?
Oui, Jésus demande à chacun et chacune de nous aujourd’hui : « Croiras-tu à cette Bonne Nouvelle ?... M’accompagneras-tu ? »
 
Sr Marie-Jean

dimanche 15 janvier 2012

Me voici



Méditation pour le 2ème dimanche du Temps ordinaire (année B) 
« Me voici » : tel pourrait être le titre de cette homélie.
Mais qui dit « me voici » ? et quelles sont les conditions et les conséquences de ce « me voici » ?
Nous avons d’abord entendu la belle histoire de la vocation de l’enfant Samuel. Pour se faire reconnaître à lui, Dieu l’appelle doucement dans la nuit. Mais Samuel ne connaît pas encore Dieu : il est donc incapable de reconnaître sa voix. Qu’à cela ne tienne : la douce insistance de Dieu qui revient trois fois à la charge et la constance de Samuel à lui répondre en se précipitant chaque fois chez le vieux prêtre Eli finissent par éveiller la conscience de ce dernier : c’est lui qui va donner à Samuel la clé pour entrer en dialogue avec Dieu. Cette clé est une parole : elle consiste à dire : « parle, Seigneur, ton serviteur écoute ».
La quatrième fois sera donc la bonne. Eli n’est pas jaloux. Il s’efface après avoir ouvert la porte. Désormais, Samuel entre dans sa mission propre et devient « prophète » parce qu’il est entré dans l’intimité de Dieu. Il peut chanter le psaume 39 : « me voici, Seigneur, tu ne voulais ni offrande ni sacrifice, mais tu m’as ouvert l’oreille. »
 
Pour entendre l’appel de Dieu, il est donc bon d’avoir quelqu’un qui nous aide à l’interpréter. Et puis, il faut écouter. Ensuite, on pourra pleinement répondre « me voici ».
C’est aussi l’expérience que font les deux disciples de Jean Baptiste, dans l’évangile. L’appel de Dieu n’est pas explicite. Il y a simplement un homme incognito qui va et vient au milieu de la foule, qui ne dit rien. Alors, c’est Jean qui parle. Il chuchote, comme en passant, à l’oreille de ses disciples : « voici l’Agneau de Dieu ». Eux, ils ont compris à demi-mot. Ils n’ont peut-être pas compris ce que signifie l’expression « voici l’Agneau de Dieu », mais ils ont compris qu’ils devaient le suivre, s’attacher à lui. Et Jésus lui-même semble surpris : « que cherchez-vous ? ». Leur réponse veut dire : « c’est toi que nous cherchons ». Alors seulement, Jésus leur répond (par une invitation plutôt que par un appel explicite) : « venez, voyez ». Quelle douceur, quel respect dans ce cheminement. Dieu ne force pas la main : il suggère. Et c’est ainsi que cela continue, de bouche à oreille, d’André à Simon, son frère : « nous avons trouvé le Messie »... La chaîne du témoignage a commencé : à chacun d’y entrer librement.
 
Mais que vient faire la 2ème lecture dans tout ça ? Ce passage de la première lettre aux Corinthiens où Paul parle de la place du corps dans la vie chrétienne ?
 
Dans la culture grecque du temps de Paul, le corps est dévalorisé : dans la philosophie platonicienne, le corps est considéré comme un tombeau dont l’âme est prisonnière et cherche à s’échapper. La dichotomie entre le corps et l’âme est extrême. C’est tout différent dans la culture biblique dont Paul est le témoin : l’homme n’est pas divisé entre son corps et son âme ; l’homme est unifié : corps, âme, esprit. Chez saint Paul, le terme « corps » signifie souvent la « personne tout entière » (le mot « personne » n’a pas encore été inventé par les philosophes). Saint Paul nous invite donc à vivre notre appel chrétien de façon unifiée, de tout notre être, « corps et âme ». Le corps n’est pas à négliger dans notre vie spirituelle. Le corps est notre lieu de rencontre avec les autres, mais il est aussi – comme le dit Paul – le temple de l’Esprit saint, puisque « celui qui s’unit au Seigneur n’est plus qu’un seul esprit avec lui ». Respecter notre vocation de chrétien, c’est donc aussi respecter notre corps ; le respect que nous aurons pour notre corps et pour celui des autres sera signe du respect que nous voulons témoigner à Dieu. Quitte à aller à contre-courant de notre société où la pudeur semble parfois disparue sous un amoncellement d’images provocantes.
 
Pourquoi cela est-il si important ? La vie spirituelle n’est-elle pas au-dessus de tout ça ? La réponse est peut-être à nouveau dans le psaume : ce psaume 39 que nous avons chanté pour faire écho à la vocation de Samuel et des premiers disciples de Jésus, il a un autre secret à nous révéler. Et ce secret, c’est qu’il est aussi le psaume de l’incarnation de Jésus. C’est ainsi qu’il est cité dans la lettre aux Hébreux, à l’endroit même où il est question de l’incarnation du Christ, et cette lettre dit ceci :
 
En entrant dans le monde, le Christ dit : « De sacrifice et d’offrande tu n’as pas voulu, mais tu m’as façonné un corps ; holocaustes et sacrifices pour le péché ne t’ont pas plu, alors j’ai dit : me voici... je suis venu, ô Dieu, pour faire ta volonté ». (Hé 10, 5-7)
Le psaume 39 est cité dans ce passage de la lettre aux Hébreux, mais dans sa version grecque. Et cette version grecque présente une petite variante par rapport à la version hébraïque : au lieu de dire « tu as ouvert mes oreilles », elle dit : « tu m’as fait un corps ». Les chrétiens ont vu là une allusion au mystère de l’incarnation. En entrant dans le monde, Jésus entre « dans un corps », et c’est « par l’offrande de son corps, faite une fois pour toutes » (comme le dit Hé 10,10), qu’il va se faire l’initiateur de notre salut. Par son corps – offert – Jésus nous sauve, corps et âme. Par son corps ressuscité, il donne aussi à nos corps le pouvoir de ressusciter. Si nous prenons au sérieux le corps du Christ, nous nous devons donc absolument de respecter aussi nos propres corps.
 
« Tu ne demandais ni holocauste, ni sacrifice », dit le psalmiste, « alors j’ai dit : voici, je viens ».
 
Plus que l’offrande de sacrifices extérieurs, c’est l’offrande de tout notre être que Dieu espère...
 
Dans ce « je viens », entendons d’abord Jésus qui répond à l’appel de son Père et entre dans sa mission propre, Jésus qui nous dit « je viens... pour vous entraîner à ma suite, pour vous sauver... »
Entendons-le qui nous dit : « que cherchez-vous ? », et puis répondons avec confiance, de tout notre être, à son invitation : « venez, voyez ! »
Sr Marie-Raphaël 
 

lundi 9 janvier 2012

Baptisé

Méditation pour la fête du Baptême du Seigneur, année B 
J’espère que cette nuit liturgique ne vous a pas donné le tournis ! En effet, en une nuit, 30 ans de l’histoire humaine de Jésus se sont écoulés. C'est-à-dire les 9/10 : c’est quand même impressionnant ! 30 ans dont on ne sait quasi rien... juste une visite au temple à l’âge de 12 ans, visite assortie d’une fugue !
30 ans, une lente maturation en silence ! Voilà pour calmer les démangeaisons de qui se voudrait prédicateur avant d’avoir mûri !  Et peut-être tout simplement 30 ans d'une vie humaine comme toute vie humaine.
Le baptême de Jésus est un fait important, un tournant, il est raconté par les 4 évangiles, il est aussi mentionné dans les Actes. Un tournant : le passage de la vie cachée à Nazareth, à la vie publique. Comment se fait ce passage ? On pourrait dire par une Pâque et une Pentecôte !
Une Pâque c'est-à-dire, un passage de la mort vers la vie. Jésus vient de Nazareth, il quitte la maison familiale, il abandonne la vie cachée... il meurt à cette vie. Il vient se joindre aux pécheurs qui demandent à Jean le baptême d’eau, signe de conversion. Il vient, humblement, et plonge dans les eaux du Jourdain, sous la main de Jean. Il vient solidaire avec notre humanité mourir au péché dans les eaux qui le recouvrent, et puis sortant des eaux, il renaît à la vie. Pâque annoncée.
 Il voit le ciel se déchirer : en langage religieux de l’époque : il voit la communication de l’humanité avec Dieu rétablie. Il entend la voix du Père : tu es mon fils bien-aimé, en toi j’ai mis tout mon amour. Nouvelle naissance. Nouvelle existence, existence tissée en l’amour du Père. Comme il est entré dans l’eau, solidaire de l’humanité, il en ressort tout aussi solidaire. Cette parole du Père qui lui est adressée, il la fait ruisseler sur toute l’humanité. Toi qui écoutes cette parole ce matin, reçois-la  comme aussi adressée à toi dans la foi pascale : en nous il continue à vivre. Tu es l’enfant bien-aimé du Père, en toi, il a mis tout son amour. Pâque Nouvelle.
 Jésus voit l’Esprit descendre sur lui... Pentecôte promise. C’est l’Esprit qui envoie en mission. A l’aube de sa vie publique, Jésus l’accueille en plénitude ! Et solidaire de l’humanité, le fait ruisseler sur l’humanité ! Toi aussi ce matin, tu peux accueillir la venue de l’Esprit.
 Jésus est venu partager notre humanité, pour nous donner part à sa divinité. Entrons en ce mystère en devenant, aujourd’hui, ensemble, corps du Christ, baigné dans le Jourdain, habité par l’Esprit, bien aimé du Père. 
Sr Thérèse-Marie

dimanche 8 janvier 2012

Offrons lui l'or, l'encens et la myrrhe

Epiphanie du Seigneur : Année B (2012)
 
 
« Les rois de Tarsis et des îles apporteront des présents,
les rois de Saba et de Séba feront leur offrande.
Tous les rois se prosterneront devant lui,
Tous les pays le serviront… »
 
Nous avons célébré la naissance de l’Enfant-Dieu… nous fêtons aujourd’hui sa manifestation à tous les peuples.
 
Trois « épiphanies », trois manifestations nous sont rapportées en ce jour.
A Israël, d’abord.
Par la voix de son prophète Isaïe, Dieu révèle son visage à son peuple :
« Debout, Jérusalem !
Resplendis : elle est venue, ta lumière,
Et la gloire du Seigneur s’est levée sur toi »
A ce peuple qui a connu l’épreuve de l’exil, Dieu annonce et prépare un avenir de bonheur et de prospérité :
« tu seras radieuse, dit le Seigneur par son prophète,
ton cœur frémira et se dilatera.
Les trésors d’au-delà des mers afflueront vers toi »
Apparemment, ces paroles du prophète se centrent sur Jérusalem, mais en cet extrait du livre d’Isaïe, l’universalisme se fait jour.
Les autres nations se mettront également en route vers la cité qu’illumine la présence de son Dieu :
« les nations marcheront vers ta lumière,
et les rois, vers la clarté de ton aurore »
Telle est la deuxième manifestation du Seigneur : à toutes les nations.
 
D’ailleurs, l’extrait de l’épître de Paul et l’Evangile confirment cette deuxième épiphanie.
Oui, Dieu se révèle aux autres nations, aux païens.
Paul écrit en effet dans sa lettre aux Ephésiens :
« (ils) sont associés au même héritage, au même corps, au partage de la même promesse… »
 
Dans l’Evangile, nous découvrons que des mages venus d’Orient arrivent à Jérusalem ;
Qu’ils ont vu se lever l’étoile du roi des Juifs ;
Qu’ils désirent se prosterner devant lui.
Ces Mages venus d’Orient, vraisemblablement des sages de Perse, veulent honorer le nouveau roi et lui offrent trois présents : l’or, l’encens et la myrrhe.
Ces trois cadeaux sont symboliques.
Ils font écho à ce que le prophète Isaïe annonçait :
« Tous les gens de Saba viendront,
apportant l’or et l’encens
et proclamant les louanges du Seigneur ».
Voici pour l’or et l’encens…
Quant à la myrrhe, elle sera utilisée pour parfumer le corps de Jésus, lors de sa Passion.
Pourquoi l’évangéliste Matthieu rapporte-t-il que les Mages ont offert de tels cadeaux au nouveau-né ?
Ces trois cadeaux réalisent la prophétie :
Jésus est bien le Messie promis dans les Ecritures ; Il est le Christ attendu ; Il accomplit les promesses de Dieu !
 
Cet or, cet encens et cette myrrhe, qui furent apportés à la crèche…
Que sont-ils pour nous aujourd’hui ? Quelle signification peuvent-ils avoir ?
Guerric d’Igny, un abbé du 12e siècle, disciple et ami de St Bernard, interpelle ses auditeurs dans une de ses homélies :
« Te présenteras-tu donc les mains vides devant le Seigneur, sans honorer d’aucun présent le berceau du nouveau roi ? »
 
Et nous, qu’apporterons-nous à l’Enfant de la crèche ?
Car c’est bien en notre faveur qu’a lieu la troisième manifestation, la troisième épiphanie, celle que nous célébrons en ce jour…
Dieu se révèle à nous, aujourd’hui !
Alors, quels cadeaux allons-nous lui présenter ?
 
Nous pourrions lui offrir l’or qu’est notre vie, les richesses de notre personnalité, le poids de nos amours et de nos joies, notre labeur, ce que nous réalisons de beau et de bien…
Nous pourrions lui offrir l’encens de notre prière, de notre désir d’aimer Dieu, de notre méditation de sa Parole…
Et nous pourrions aussi lui offrir la myrrhe de nos épreuves, de nos souffrances, de nos douleurs, là où nous avons mal…
 
En ce jour, l’Enfant Jésus nous accueille et espère nos cadeaux…
Dans cette mangeoire qui lui sert de berceau, Il nous invite à déposer toute notre vie : nos peines et nos joies !
 
Et si nous répondions en ce jour à l’invitation du Bienheureux Guerric ?
« … offrons à la gloire du nouveau Roi ce que nous avons. Ce qui nous manque, demandons-le à Celui à qui nous voudrions l’offrir… (car de lui) vient tout don parfait et tout présent excellent. A lui la gloire dans les siècles des siècles »
 Sr Marie-Jean
  Citations :
Guerric d’Igny, Premier Sermon pour l’Epiphanie, n° 11-12.
Guerric d’Igny, Premier Sermon pour l’Epiphanie, n° 206-211.

dimanche 1 janvier 2012

Que le Seigneur te bénisse...

Méditation pour le 1erjanvier : Sainte Marie, Mère de Dieu
Dans la lettre aux Galates, saint Paul nous livre aujourd’hui, en quelques lignes très denses, un de ces raccourcis théologiques dont il a le secret : tout le mystère du salut en quatre phrases : tout y est, ou presque : le Père, le Fils et l’Esprit Saint, le temps et l’éternité, l’incarnation et la rédemption, l’adoption filiale et l’héritage futur...
Voyez plutôt :
Lorsque les temps furent accomplis... 
Dieu est en-dehors du temps, mais Jésus, par le mystère de l’Incarnation, entre dans le cours du temps et donc dans le devenir : il va naître, il va grandir, il va se soumettre aux règles de la vie et de la société, il va se faire solidaire de ceux qui sont soumis à la Loi, il va connaître la souffrance et la mort. Parce qu’il est totalement solidaire des hommes et parce que, en même temps, il est parfaitement Fils du Père, un mystérieux échange va pouvoir s’opérer entre Dieu et l’humanité. Lui qui est Fils unique du Père va permettre aux hommes de devenir « fils » comme lui et d’avoir donc un droit sur l’héritage. Quel héritage ? Le droit d’appeler Dieu « Abba, Père », la vie divine elle-même.
Lorsque les temps furent accomplis... 
à la charnière d’une année nouvelle, nous aimons méditer sur le temps qui passe : nous faisons le bilan de l’année écoulée, nous formons des projets pour les mois à venir. Nous sentons avec plus ou moins d’acuité la morsure du temps qui passe : nous voyons bien qu’il y a des choses qui sont passées, qui ne reviendront plus et que les minutes glissent entre nos doigts comme de l’eau qui coule...
Mais nous reconnaissons aussi qu’il y a des moments de notre vie qui semblent « sortir du temps », des instants de grâce que nous avons vécus un jour et qui, depuis, ne nous ont pas lâchés, comme si le temps n’avait pas de prise sur eux. Dans le temps chronologique qui passe et qui coule sans arrêt, il y a des moments de grâce où le temps s’arrête et devient éternel.
L’Incarnation du Fils de Dieu, le jour où Jésus est venu au monde, a été un temps de grâce par excellence, ce que saint Paul désigne ici comme « la plénitude des temps ».
Et cela s’est passé par Marie.
Marie se tient là où il y a naissance. À la crèche et à la croix. Et ce n’est pas un hasard si nous fêtons Marie le 1er janvier, à la naissance de l’année.
Ce texte de Paul a d’ailleurs été choisi pour la liturgie d’aujourd’hui entre autres parce que c’est le seul passage où Paul parle de Marie. Et encore : en toute discrétion ! Pour dire que Jésus est vraiment devenu homme parmi nous, Paul dit ceci : « il est né d’une femme ». Quel rôle inouï imparti ainsi à Marie !
J’en appelle aux mères parmi nous. Elles doivent le savoir par expérience : c’est l’enfant qui fait de sa mère une mère. L’enfant, dans son extrême dépendance, dans sa soif de vivre, oblige sa mère à trouver les gestes tendres et justes qui le sauveront : le vêtir, le nourrir, le bercer...
Quand le Verbe s’est fait chair, quand le Fils de Dieu est entré dans la condition humaine, il a choisi Marie pour remplir ce rôle-là à son égard. En règle générale, nul ne choisit ses parents. Nul ne choisit non plus ses enfants. C’est toujours un cadeau, une mission.
Mais Dieu a choisi Marie.
Elle se trouve dans ce cas unique où elle peut dire qu’elle a été « choisie » par son Fils pour être sa mère... Elle était trop simple, trop humble pour penser à tout ça, évidemment, mais elle a dit « oui » à la visite de l’ange, un oui conscient, radical, absolu, au travail de la grâce en elle. Et cet enfant lui est venu. Et elle a trouvé à son égard les gestes de tendresse les plus naturels du monde : comme une jeune mère attentionnée, elle l’a vêtu, nourri, bercé...
Marie ne dit pas grand-chose dans l’évangile de Noël. Toute sa parole est dans cet enfant. Mais elle « gardait tous ces événements et les méditait dans son cœur ». Cependant, j’en suis sûre, elle parlait certainement à son nouveau-né, elle lui chantait des berceuses. Peut-être, pour ce faire, a-t-elle emprunté les paroles de Moïse et d’Aaron dans le passage de Nb 6 : « Que le Seigneur te bénisse et te garde, que le Seigneur fasse briller sur toi son visage (mais le visage de Dieu, c’est toi, mon tout-petit), que le Seigneur se penche vers toi (mais Dieu qui se penche vers moi, vers nous, c’est toi, mon tout-petit), que le Seigneur se tourne vers toi, qu’il t’apporte la paix (mais c’est toi, mon petit prince, qui m’apporte la paix)... »
Et elle le berce en lui chantant les mots qui seront sa mission : être au milieu des hommes l’image du Dieu invisible, le resplendissement de sa gloire, le porteur de paix.
Prions, dès lors, en ce jour de l’an, en ce jour de prière pour la paix dans le monde, prions avec Marie en berçant l’Enfant-Dieu. Confions-lui cette année nouvelle et accueillons sa bénédiction en nous ouvrant au même Esprit qui nous fait dire « Abba, Père ! », en redisant les mots que l’Esprit nous inspire :
Que le Seigneur, en toi, nous bénisse et nous garde.
Qu’il fasse resplendir sur ton visage sa propre image.
En toi, qu’il se penche vers nous avec toute sa tendresse, qu’il nous apporte la paix
Sr Marie-Raphaël