mardi 25 décembre 2012

Noël

Méditation pour le jour de Noël
Quel Dieu est grand comme notre Dieu ?
Quel Dieu est assez grand pour se révéler dans un tout-petit, dans un nouveau-né ?
Les Hébreux dans le désert s'exclamaient déjà « Quelle est la grande nation dont les dieux se fassent aussi proches que Yahvé notre Dieu l'est pour nous »
Que devons-nous penser aujourd'hui en contemplant notre Dieu fait chair en ce petit enfant couché dans une mangeoire?
 
Car en Jésus, nouveau-né, que nous contemplons ce matin dans la crèche, c'est Dieu qui se manifeste à nous, qui se révèle, qui se dit.
C'est Jésus que pressent Isaïe quand il nous invite à la joie car « le Seigneur a montré la force divine de son bras »
Et la lettre aux hébreux nous laisse bouche bée en nous affirmant que ce Fils, par qui Dieu nous parle aujourd'hui est  « le reflet resplendissant de la gloire du Père »
St Jean écrit qu'il reconnait en lui « Le Verbe, la Parole de Dieu, qui s'est fait chair et qui a habité parmi nous et,dit-il, nous avons vu sa gloire, la gloire qu'il tient de son Père »
N'est-ce pas un peu audacieux, un peu utopique, un peu fou de parler de force, de gloire devant cet enfant, né au milieu d'une étable ?
Mais justement, en se présentant à nous de la sorte, Jésus vient inaugurer une nouvelle compréhension de la Gloire si souvent célébrée et magnifiée dans l'histoire du peuple hébreu, gloire qui de tout temps a facilement été assimilée au faste, au grandiose, au merveilleux et aussi souvent à la puissance dominatrice.
 
Noël nous apprend que ce qui fait la gloire de notre Dieu, c'est qu'il s'est approché de nous en Jésus. Désormais Dieu est au milieu de nous et ce qui fait sa grandeur c'est la proximité, la communion qu'il veut créer avec tous les humains.
 
Dans la genèse, le serpent avait dit à Adam et Eve, à peine créés:  « vous serez comme des dieux » Mais après avoir mangé le fruit convoité, Adam eut honte de se voir nu. Dieu le chercha et l'appela : « Adam, où es-tu ? » « Je t'ai entendu, j'ai eu peur et je me suis caché parce que je suis nu », répondit Adam...
Et bien, voilà qu'aujourd'hui, Dieu se fait nu pour renouer la relation avec l'être humain dans sa nudité. Dieu se fait nu pour rencontrer l'homme nu. Dieu se fait nu pour que nous n'ayons plus peur de nous voir nus devant lui.
Pouvait-il se faire plus proche ? En cette naissance apparemment si misérable, c'est le projet créateur de Dieu qui se déploie à nos yeux : projet de communion, d'universalité, de justice, d'accueil...
 
Finies les exclusions de la loi: des bergers, des hors-la loi, des petits, sont les premiers à recevoir l'annonce de la naissance.
Finies les frontières fussent-elles du peuple saint: les mages, des étrangers chercheurs de vérité viennent s'incliner devant l'enfant.
Finie aussi l'exclusivité du Temple, du Saint des Saints pour accueillir la présence de Dieu... Dieu naît dans une étable.
 
Ce que Noël nous apprend de Dieu c'est cette proximité, ce désir de Dieu de rencontrer les humains, tous les humains... pas seulement ceux qui sont déclarés « dignes » par leurs semblables.
 
Nous savons maintenant que ce qui compte pour Dieu ce n'est pas que nous observions scrupuleusement une loi; ce qui compte c'est que nous entrions dans sa vie, dans son regard sur le monde, dans son souci de chaque homme, de chaque femme ; dans son désir d'entrer en relation, en communion avec tous 
 
C'est cela la gloire de Dieu, c'est cela sa puissance... Dieu est assez fort, assez grand assez puissant pour être pleinement Dieu au milieu de nous.
Assez grand pour donner sa vie afin que nous vivions et que nous partagions sa gloire. C'est bien cela l'ultime message de Jésus le soir du jeudi saint : Jésus a pris un peu de pain, un peu de vin autrement dit, la vie au quotidien, dans sa simplicité et il en a fait les signes de la vie divine donnée en partage. « Ceci est mon corps, ceci est mon sang, nous dit Jésus. Autrement dit : ce pain, ce vin partagé c'est ma vie. Prenez-la, accueillez-la au plus intime de votre vie... Et pour que ma vie ne cesse pas de circuler, de grandir sur cette terre : faites ceci en mémoire de moi. A votre tour, prenez votre vie et donnez la en partage à vos frères et soeurs. Ainsi vous entrerez dans ce qui fait la gloire Dieu. Ainsi vous construirez ce Royaume que je suis venu inaugurer.
Car la gloire de mon Père nous dit Jésus dans l'Evangile de Jean, c'est que vous portiez du fruit, un fruit qui n'est autre que celui de l'Esprit, fruit dont nous parle st Paul  dans sa lettre aux Galates: amour, joie, patience, bonté, bienveillance, foi, douceur, maîtrise de soi...
 
Depuis Noël, la Gloire de Dieu n'est plus dans le ciel, elle n'est plus dans le Temple, elle est au creux de nos vies offertes pour que règnent dans notre monde la  paix et la justice, la joie et le bonheur pour tous et pour toutes. 
Sr Elisabeth 

lundi 24 décembre 2012

Béni soit le Seigneur

Méditation pour le 24 décembre : (2012)
 
 Zacharie n’est plus muet : il bénit ! Il s’ouvre à la vraie vie…
Et il nous entraîne nous aussi sur un chemin de bénédiction :
« Béni soit le Seigneur, le Dieu d’Israël… »
Zacharie, le prêtre, devient prophète.
Dans son cantique, il interprète le présent et prédit l’avenir.
 
Le présent, d’abord.
Zacharie proclame un Dieu qui visite et libère, comme aux jours de l’Exode, quand Dieu fit sortir son peuple d’Egypte.
Aujourd’hui, c’est une nouvelle libération que Dieu va opérer.
« Il a fait se lever une force qui nous sauve » :
Cette force, c’est Jésus, dont le nom signifie « le Seigneur sauve ».
 
Ce salut n’est pas inopiné ; il n’est pas imprévu.
Il répond à un dessein, à un projet :
« C’est ce qu’il avait annoncé autrefois par la bouche de ses saints prophètes »
Tout un courant prophétique annonçait la venue d’un Messie, d’un libérateur envoyé par Dieu.
L’oracle de Nathan – notre première lecture de ce jour – l’avait prédit :
« Ta maison et ta royauté subsisteront toujours devant moi, ton trône sera stable pour toujours »
Dieu a tenu sa promesse !
Cette promesse se réalise en ce jour !
 
Annoncé par les prophètes, ce salut s’inscrit dans l’alliance que Dieu a scellée avec son peuple.
Le Sauveur appartient à la lignée d’Abraham, à qui Dieu avait fait serment de lui donner une descendance.
De nouveau, l’annonce du Sauveur réalise la promesse.
Le Seigneur est fidèle !
 
Et voici le résultat de ce salut :
Il nous faut « célébrer sans crainte notre culte devant lui, dans la piété et la justice tout au long de nos jours »
Zacharie le prêtre nous rappelle le vrai culte.
« en piété et en justice », c’est-à-dire « à la Chapelle et dans la rue ».
Ce salut ne nous reste pas extérieur.
Il s’incarne.
Il nous transforme, nous transfigure et se concrétise dans toutes nos relations.
 
Pour préparer le chemin du Sauveur, Zacharie annonce la venue d’un prophète.
C’est le deuxième volet du Benedictus : Zacharie y parle de l’avenir.
Son fils, « petit enfant », sera appelé « prophète du Très-Haut ».
Jean marchera devant le Seigneur, en préparera le chemin et révélera la tendresse de Dieu.
 
 
Marie avait reçu la visite de l’ange qui lui annonçait la naissance du Messie.
Par son Magnificat, elle a chanté les louanges de Dieu mais sans parler de son enfant.
Zacharie n’a pas reçu l’annonce de la venue du Messie.
Mais dans son Benedictus, il en parle et comble le silence de Marie.
Il annonce la mission de Jésus et fait acte de foi.
Il a fallu neuf mois de silence et d’intériorisation pour que Zacharie puisse poser un acte de foi…
 
En ce 24 décembre, dans ce qui constitue notre aujourd’hui, avec ses joies et ses peines, la prophétie de Zacharie s’adresse à nous !
Dieu veut nous visiter, nous libérer ; il nous propose son salut…
Ces cadeaux nous sont offerts !
 
Et le cantique de Zacharie peut nous rassurer.
Face à nos doutes, nos manques de confiance, nos peurs, face aux lenteurs de notre foi, Dieu ne désespère pas.
Il ne se lasse pas, il ne s’impatiente pas d’offrir son salut.
Il a attendu neuf mois avant que la bouche de Zacharie ne puisse s’ouvrir pour proclamer une parole de foi…
Mais nous, n’attendons pas si longtemps !
Ouvrons nos cœurs pour accueillir la Bonne Nouvelle de notre salut…
Aujourd’hui « du haut des cieux, un astre est venu nous visiter »
Rendons grâces !
 
Sr Marie-Jean (24 décembre 12)
 
L’expression est du Père Philippe Bacq.

samedi 22 décembre 2012

Quand les femmes disent Dieu...

  Méditation pour le 22 décembre 
(1 Sam 1,24-28; 1 Sam 2, 1.4-8; Luc 1, 46-56) 

C’est dangereux de donner la parole à des femmes... C’est dangereux !
Vous êtes bien assis ??? Attention, cela pourrait ne pas durer !
Vous attendez le Seigneur ? Vous vous réjouissez de sa venue ? Très bien ! Mais attention, ne vous trompez pas de Dieu ! Il n’y en a qu’un et quand il vient c’est pour un grand chambardement !
Ce n’est pas moi qui l’invente... ce sont deux femmes qui vous l’ont chanté aujourd’hui : Anne la mère de Samuel et Marie la mère de Jésus !
Vous les avez entendues, non ?
Version Anne :
L’arc des forts se brise, ...
les repus s’embauchent pour du pain...
le Seigneur appauvrit et enrichit
il abaisse et aussi il relève...
de la poussière il retire le faible et du fumier le pauvre,
pour l’asseoir au rang des princes, et lui assigner un trône de gloire
Version Marie :
Déployant la force de son bras, il disperse les superbes
il renverse les puissants de leurs trônes, il élève les humbles
il comble de bien les affamés, et renvoie les riches les mains vides...
Voilà le Dieu qui vient, voilà le Dieu que nous appelons avec tous nos frères et sœurs chrétiens...
Si vous n’êtes pas d’accord, il est encore temps de changer de religion... mais le Dieu que Jésus vient révéler par sa vie pauvre parmi les pauvres, condamné parmi les condamnés, c’est ce Dieu là...
Le Dieu du grand chambardement...
Mais non, soyons honnêtes, qui est le champion du chambardement ? n’est-ce pas l’humain ? l’humain qui dès les origines a mis du désordre en la création, en remplaçant l’harmonie par la discorde, la fraternité par la rivalité, le partage par la rapacité et la voracité...
Et Dieu, notre Dieu, voyant que nous n’en sortions pas pour tout remettre d’équerre et d’aplomb, vient, il vient nous aider, nous sauver...
Ce sont deux femmes qui nous l’annoncent aujourd’hui...
à nous de choisir réellement ce Dieu,
à nous de l’aider à accomplir ses promesses !
Dans ce but, célébrons l’eucharistie, accueillons le pain du partage, de la vie donnée, devenons ce que nous recevons : le corps du Christ aujourd’hui ressuscité !

sr Thérèse-Marie

dimanche 16 décembre 2012

Voulez-vous danser ?

Méditation pour le 3ème dimanche d'Avent (année C) 

Voulez-vous danser ? Etes-vous prêts à danser ? Non, je ne me moque pas de vous ! Nous venons d’entendre prophète Sophonie annoncer que le Seigneur dansera de joie pour nous ! Allez-vous le laisser seul à danser ? Ce dimanche est consacré à la joie, mais la joie peut-elle éclore et subsister si elle n’est partagée ? Alors si vous voulez que je vous reformule ma question : voulez-vous partager la joie de Dieu ? Voulez-vous faire la joie de Dieu ? Voulons-nous être de ce Dieu, de ce « Seigneur de la danse » ?
Peut-être allez-vous me demander si vraiment Dieu est heureux, et désireux de nous partager son bonheur ! Mais ce n’est pas moi qui vous répondrai. Je laisse la parole à Sophonie, à Paul et à Jean-Baptiste.
Sophonie, le prophète, écrit à une période troublée, une période de crise et d’instabilité politique… nous connaissons ce genre de climat. Et c’est dans ce climat qu’il invite à la joie… non seulement il invite à la joie, mais il invite à découvrir la joie même de Dieu, lui qui va danser de joie pour toi ! Sophonie annonce la fin des hostilités : à une période de guerre, c’est plutôt bienvenu. Une fin des hostilités qui arrive non par l’écrasement des uns par les autres, mais par le simple fait que ceux qui voulaient la guerre, ont rebroussé chemin. Ils ont choisi la paix ! Comment bâtir la paix ? Si c’est en écrasant un peuple, c’est la guerre que l’on prépare, la guerre couvée dans la rancœur, l’amertume ! La paix se bâtit par la déposition des armes des deux côtés… par le respect. L’ennemi cesse d’occuper le territoire d’autrui. Et alors le premier qui fait la fête, ce n’est pas l’homme, c’est Dieu ! Dieu qui se met à danser pour la paix revenue, Dieu qui se met à danser parce que son salut est accueilli. Dieu qui se met à danser parce qu’il trouve joie et allégresse à habiter les cœurs ! Etes-vous prêts à accueillir ce Dieu ? à lui offrir joie en vos cœurs !!! … entrerez-vous en sa joie ? Prendrez-vous le temps cette semaine, pour enterrer les haches de guerre, et lui permettre de danser pour la paix retrouvée ? Bon si vous avez bonne mémoire, n'enterrez pas les haches de guerre... vous saurez toujours où elles sont. Il vaut mieux les casser !!! les rendre inutilisables définitivement ! 
St Paul nous dit qu’il est proche. Et il nous convie à la joie, à la sérénité. Si certains attendent la fin du monde pour ce 21, nous nous vivons dans la sérénité, parce que le Seigneur est proche, tout proche, tellement proche, qu’il fait sa demeure en tous ceux et celles qui lui ouvrent leur cœur ! Soyez toujours dans la joie, nous demande saint Paul. Vite dit, allez-vous dire ! Il ne sait pas ce que c’est que le quotidien dur et âpre… Attention, Paul écrit cela tandis qu’il est en prison… Il sait ce que c’est que la souffrance, la difficulté… il ne les néglige pas… mais la proximité du Seigneur est pour lui plus forte que toutes les difficultés du chemin ! Pouvons-nous avec lui, vivre de cette proximité du Seigneur ?
Ouvrons maintenant l’évangile, et écoutons le témoignage de Jean le Baptiste. Alors vous allez me dire, maintenant fini de rire ! mais ne fait-on pas à Jean un mauvais procès ? veut-il éteindre la joie ? ou la ranimer ? Les personnes qui viennent à lui qu’elles soient juives pratiquantes, bien pensantes, ou juives collabo avec l’occupant romain, ou païennes tout simplement, les personnes qui viennent à lui, viennent avec une question. Ils vivent dans une période de trouble à répétition, ils voient bien qu’il faut que quelque chose change… ne sommes-nous pas là avec le même constat ? alors ils arrivent à Jean, non en demandant une nouvelle formule de Credo… mais « que devons-nous faire ? ». Et la réponse de Jean fuse : partager, respecter, être non violent. Partager la nourriture et le vêtement, c'est-à-dire les moyens de subsistance, la planète est pour tous ! Respecter l’autre, vivre dans la justice, être artisans de paix… Cette réponse nous pouvons encore l’accueillir aujourd’hui. Et si nous la pratiquons, ne découvrirons-nous pas que cela nous donne paix et joie ! Ne découvrirons-nous pas que la liberté par rapport à nos biens, à notre pouvoir, nous édifie dans la joie ? et fait la joie de Dieu ?
Bien sûr Jean parle du jugement qui arrive, de la bale qui va passer au feu… mais Luc nous avertit que c’est une belle façon d’annoncer la bonne Nouvelle… Oui, le Seigneur souhaite mettre au feu la bale, pour ne garder que le bon grain. Mais nul d’entre nous n’est bon grain, nul d’entre nous n’est bale… tous nous sommes bon grain enveloppé de bale… et cette bale qui étouffe, qui alourdit… va être brûlée, consumée… pour qu’il ne reste que le bon ! N’est-ce pas bonne Nouvelle ? cela ne vaut-il pas un petit pas de danse avec notre Seigneur ? Poursuivons cette eucharistie, la joie au cœur, le Seigneur vient à nous en dansant… allez, entrons en sa danse ! 

Sr Thérèse-Marie 

dimanche 4 novembre 2012

Ecoute


Méditation pour le 31ème dimanche (année B) 
Dt 6, 2-6 ; Ps 118 ; Hé 7, 23-28 ; Mc 12, 28b-34 

Voici une belle page d’évangile, que sans doute nous avons tous déjà entendue si souvent, une page dont on se dit, c’est connu... peut-être même se dit-on humblement dans son cœur, et c’est de toute façon impossible... aimer Dieu, aimer son prochain, et comme soi-même par-dessus le marché !
 
Mais si nous nous penchions un peu plus avant sur ce texte ! Que ce soit dans le livre du Deutéronome, que ce soit dans l’évangile, le premier de tous les commandements, ce n’est pas « tu aimeras » ! C’est « Écoute ».
Or le premier des commandements, ce n’est pas celui qu’il faut mettre en pratique en premier et tant pis si on ne peut pratiquer les autres. Le premier, c’est celui qui donne la clé pour vivre les suivants. « Ecoute » est le premier, et même le seul commandement. Il est à l’impératif. Les autres verbes sont au futur, ce sont des promesses. Si tu écoutes, tu aimeras...
 
Comment aimer ? Comment aimer Dieu, son prochain, soi-même ? Comment aimer en vérité ?
Jésus, à la suite de la loi, qu’il a reçue comme tous les juifs au cœur de la Parole de Dieu, Jésus nous dit : « Écoute ». Voilà le commencement de tout ! Benoît a placé ce mot en premier dans sa règle : Ecoute mon fils, les préceptes du Maître, incline l’oreille de ton cœur. Un moine du Mont Athos disait : « un moine est sauvé quand il commence à écouter ».  N’est-ce pas vrai pour tout chrétien ?
« Ecoute »... comment accueillons-nous cette invitation ?
 
« Ecoute », il est fait appel à une ouverture en nous ! A un creux ! Si nous voulons aimer, il ne faut pas venir comme un tout complet, comme un récipient débordant... il faut d’abord venir avec un creux, une disposition d’accueil, de soif, de désir ! Le premier commandement fait de nous des êtres tout oreille, tout accueil,... des êtres de désirs !
 
Si nous écoutons, si nous sommes accueillants plutôt qu’envahisseurs,
Alors nous pourrons nous mettre à aimer en vérité. Nous pourrons entendre l’autre dans son être profond, nous pourrons entendre Dieu, ou notre prochain, ou nous-mêmes, dans sa réalité, dans son appel, et notre amour sera réponse à son appel.
Rien de plus écrasant qu’un amour qui s’impose. Rien de plus étouffant qu’une personne qui sait mieux que vous ce qui vous convient, et vous entoure de tant de conseils... Rien de plus délicat que quelqu’un qui d’abord s’approche, et vous écoute, se tient à l’écoute du moindre bruissement de votre cœur, laisse jaillir en vous la source, la désensable s’il le faut...
 
Et si pour aimer Dieu, si pour aimer notre prochain comme nous-mêmes, nous choisissions d’écouter ! De descendre à ce niveau du cœur, où nous sommes espace, ouverture, capacité.
 
N’entendrions-nous pas le désir de l’autre, comme Jésus dans l’évangile de dimanche dernier, a laissé Bartimée lui dire son désir, plutôt que de décider par lui-même ce qu’il convenait de faire. « Que veux-tu que je fasse pour toi ? » lui avait glissé Jésus, plutôt que de dire « viens que je t’ouvre les yeux ! »
 
Si cette semaine, nous décidions d’écouter, écouter Dieu et le prochain, à travers chaque événement, à travers chaque rencontre, à travers les mots comme à travers le silence...
N’aurions-nous pas commencé enfin à aimer de tout notre cœur, de toute notre âme, de toutes nos forces !  C’est-à-dire de tout notre être. N’aurions nous pas alors commencé à pratiquer la seule vraie religion, celle qui relie les cœurs !
 
Ecoutons en cette eucharistie, le désir de notre Dieu, il voudrait s’offrir à nous, saurons-nous l’accueillir ?

sr Thérèse-Marie 
 
Prologue de la règle de Benoît, verset 1
[2] cité in Jean-Yves LELOUP, Paroles du mont Athos 

dimanche 2 septembre 2012

Tradition

  Méditation pour le 22e dimanche TO : Année B (2012)
  
En ce 22e dimanche du Temps ordinaire, l’évangile nous conduit au cœur des rites du judaïsme du premier siècle : ces rites que Jésus a appris, que d’autres lui ont transmis.
Peut-être la répétition d’un certain mot a retenu votre attention.
Dans cet extrait, l’évangéliste Marc cite quatre fois le terme « tradition ».
Un terme qui n’est pas tellement à la mode !
Il semble que cette tradition, appelée tantôt « tradition des anciens », tantôt « tradition des hommes », s’oppose au « commandement de Dieu ».
Relisons cet Evangile.
 
Des Pharisiens et quelques scribes de Jérusalem sont choqués.
Eux qui sont très attachés aux traditions, reprochent à Jésus que ses disciples « ne suivent pas la tradition des anciens ».
Et l’évangéliste d’énumérer les diverses pratiques rituelles : ablution au retour de la ville ou du marché, comme celles des coupes, des cruches et des plats pour la purification.
Mais l’aspect rituel n’était en fait que la partie visible de l’acte, puisque ce geste n’avait de sens que dans la mesure où il exprimait la purification du cœur.
Il ne pouvait, par lui-même, donner la pureté de l’âme, et encore moins en dispenser.
Or là était l’élément capital : honorer Dieu dans son cœur, et non des lèvres seulement.
Le rite seul ne suffit pas : sa valeur et son efficacité dépendent des dispositions intérieures.
D’où l’invective de Jésus qui stigmatise l’hypocrisie de ses interlocuteurs et parle d’eux en citant l’Ecriture :
« Ce peuple m’honore des lèvres, mais son cœur est loin de moi…
Vous laissez de côté le commandement de Dieu pour vous attacher à la tradition des hommes »
Et, à ses disciples, Jésus insiste sur l’importance du cœur :
« C’est du dedans, du cœur de l’homme que sortent les pensées perverses…
(le) mal vient du dedans, et rend l’homme impur »
 
Par cet Evangile, Jésus nous invite à la vigilance !
 
La question de la valeur, permanente ou non, de pratiques ou de rites n’est pas neuve.
Elle s’est posée avec acuité dès l’Eglise primitive, lorsque des païens ont accueilli la Bonne Nouvelle et ont voulu intégrer l’Eglise.
Elle a encore resurgi maintes fois dans l’histoire.
Elle nous concerne encore aujourd’hui.
Faut-il imposer toutes les traditions rituelles aux peuples évangélisés ?
Comment distinguer les traditions indispensables et les autres ?
En cet Evangile, Jésus dénonce le formalisme qui menace certaines pratiques.
Il prévient aussi le danger de confusion entre tradition des hommes et commandement de Dieu.
 
Pour discerner les rites à conserver ou à abandonner, les textes de ce dimanche nous proposent un critère de discernement.
Nous le trouvons dans les deux lectures du jour.
Le Deutéronome disait : « Maintenant, Israël, écoute les commandements et les décrets que je vous enseigne pour que vous les mettiez en pratique. Ainsi vous vivrez… »
De même, l’épître de Saint Jacques déclare : « (le Père) a voulu nous donner la vie par sa parole de vérité, pour faire de nous les premiers appelés de toutes ses créatures… »
De part et d’autre, c’est le critère de la vie qui prévaut.
 
Paul VI l’a exprimé à sa façon :
« Être fidèle à la tradition, cela signifie qu’on garde les forces tendues vers la vie et vers le temps qui vient.
La tradition n’est pas un musée, un cimetière.
C’est une plante qui fleurit chaque matin, une sève qui se renouvelle sans cesse ».
Voilà qui rejoint les textes liturgiques : l’objectif d’une tradition converge avec celui du commandement de Dieu.
Il s’agit d’être au service de la vie.
La tradition n’est donc pas statique, figée dans le passé.
Elle se vit dans le monde d’aujourd’hui.
 
En ce dimanche, Jésus nous invite à revisiter nos pratiques à l’aune de la vie…
Et, pour que cette vie prenne chair en nous, l’apôtre Jacques nous donne un conseil :
« Accueillez donc humblement la parole de Dieu semée en vous ; elle est capable de vous sauver… »
Puissions-nous lui ouvrir largement notre cœur !
Sr Marie-Jean

mercredi 29 août 2012

chemin de vie

Quelques notes en marge de l'actualité
La presse est en ébullition depuis quelques semaines, la population est en émoi. 
Il y a bien compréhensible la douleur des parents, des victimes. 
Et cette agitation vient réveiller les plaies de beaucoup de victimes de drames non médiatisés comme celui qui agite aujourd'hui ! 
IL me semble qu'il nous faut en temps que chrétien réfléchir ce qui se passe, réagir, en vue d'un surcroît d'humanité ! 
La haine, la vengance... déversés à flots continus avivent les plaies, loin de les guérir, de les soigner, de les apaiser. 
Il ne s'agit pas de nier les souffrances, il ne s'agit pas de refouler le mal subi. Mais il s'agit de l'assumer. Le mal a été commis, on ne sait pas le gommer. On peut travailler à le porter au mieux, à vivre après. Et chercher par delà cette terrible expérience un chemin de vie. 
Voici pour aider à vivre ces moments quelques articles : 
une réflexion du Père Armand Veilleux, père abbé de la Trappe de Scourmont
une lettre ouverte de Arthur Buekens, prêtre, formateur au Cefoc
un entretien avec Gabriel Ringlet, prêtre, vice-recteur émérite de Louvain
Ensemble cheminons pour reboiser notre humanité !  

Sr Thérèse-Marie

vendredi 24 août 2012

Je t'ai vu

Méditation pour la fête de saint Barthélemy 
 
Si la mémoire de la St Barthélemy n’était tristement entachée par le massacre de milliers de protestants en France, on pourrait décider de nommer cette fête, celle de la claire vision !
 
En effet, il me semble qu’on peut lire les textes d’aujourd’hui en laissant notre attention se porter sur le regard !
 
Jean, dans l’Apocalypse, raconte : il a vu un ange qui l’a entraîné à contempler la cité sainte de Jérusalem, qui descendait du ciel... resplendissante, rutilante ! D’emblée nous le comprenons, il ne s’agit pas d’un regard posé sur la Jérusalem telle qu’elle était à son époque, ni telle qu’elle est aujourd’hui... Jérusalem, cité sainte, est aujourd’hui encore un véritable paradoxe, une énigme, elle que les psaumes, nomment la cité de Dieu, ville où tout ensemble ne fait qu’un.Que nous sommes loin de cette beauté, de cette unité... Ce qui en fait sa beauté dans la vision de Jean, c’est notamment, douze portes-perles, gardées par des anges, et sur chaque porte le nom d’un apôtre... notez : ce n’est pas l’apôtre qui a pouvoir de décider on passe ou on ne passe pas... mais l’apôtre est porte... à la suite de Jésus qui s’est dit « la porte » par laquelle les brebis entrent et sortent... Les apôtres, ceux d’aujourd’hui comme ceux d’hier, ont mission d’être porte, ouverture, passage... Ils ne sont pas murs, mais porte... S’ils pensent remplir leur rôle en emprisonnant, en mettant en boîte... ils risquent bien de se tromper de Dieu !
Voilà pour l’Apocalypse.
Reprenons l’Evangile. La tradition a identifié, -à tort ou à raison, peu nous importe aujourd’hui !- le Barthélemy des listes d’apôtres, avec le Nathanaël de l’évangile de Jean, d’où l’évangile de ce jour !
Philippe a rencontré Jésus, cela lui brûle de partager cette nouvelle à ceux qu’il aime, il va trouver Nathanaël. Et lui fait part de leur rencontre : ils ont trouvé celui dont parlent Moïse et les prophètes ! Nathanaël a des doutes : de Nazareth ! Peut-il sortir quelque chose de bon ?  Et Philippe ne lui répond pas par une démonstration catéchétique, il lui dit seulement : Viens et tu verras. Philippe est comme la porte qui invite à un passage vers la vue, vers la vie !
Mais le premier à voir c’est Jésus ! Le texte continue en nous disant : Lorsque Jésus voit Nathanaël venir à lui, il déclare voilà un véritable fils d’Israël, un homme qui ne sait pas mentir. Et Nathanaël s’étonne d’où Jésus le connaît-il ? Jésus répond : Quand tu étais sous le figuier, je t’ai vu !  
Je t’ai vu !  Et c’est le bouleversement pour Nathanaël. Il se découvre traversé, désiré par un regard d’amour, qui l’a devancé. Au plus intime de lui, déjà il était connu.
Un chant invite à se laisser regarder par Jésus. Cela a bouleversé l’existence de Nathanaël, cela peut bouleverser la nôtre. Et alors nous entrerons dans un autre univers, alors il nous sera donné comme à Nathanaël de voir des choses plus grandes, de voir le ciel ouvert, et les anges monter et descendre au dessus du Fils de l’homme. C'est-à-dire, de découvrir en Jésus, le chemin vers la Jérusalem céleste décrite par Jean dans l’Apocalypse, le chemin vers le Père.
C’est à cette même vision que chaque eucharistie nous invite... accepterons-nous aujourd’hui de nous laisser regarder ainsi ? pour voir à notre tour, les cieux ouverts !

Sr Thérèse-Marie 
 

dimanche 19 août 2012

La Vie de Dieu dans ma vie....

Méditation sur l'Evangile du 20ème dimanche B (Jean 6,51-58)
 
Comment cet homme-là peut-il nous donner sa chair à manger ?
Pouvons-nous donner une réponse à ces Juifs ahuris en entendant Jésus leur dire : « le pain que je donnerai, c'est ma chair donnée pour que le monde ait la vie » ?
Ou bien ne serions-nous pas trop habitués à ce langage pour nous laisser encore secouer par ces mots ?
Nous sommes venus célébrer l'Eucharistie, nous allons recevoir le pain et le vin en confessant qu'ils sont le corps et le sang de Jésus . Qu'est-ce que cela veut dire pour nous ?
Question importante car nous sommes au coeur de notre foi et dimanche prochain, la liturgie, en nous proposant la fin du chapitre 6 de st Jean, nous demandera de prendre position, de nous décider : allons-nous continuer à suivre ce Jésus qui se dit Dieu et donne sa chair à manger ?
 
Pour y réfléchir, nous avons une chance que n'avaient pas les auditeurs de Jésus.
-En effet il y a quelques semaines, nous avons entendu st Jean nous raconter comment Jésus, à partir de quelques pains avait nourri une grande foule et surtout nous l'avons entendu nous dire qu'il s'agissait là d'un SIGNE.
Autrement dit, qu'il s'agissait d'une invitation à voir plus loin, à voir derrière le geste du partage du pain et de l'abondance une réalité plus grande, celle justement dans laquelle Jésus essaye de les faire entrer : Il est le pain de vie, distribué en abondance non pas à une foule de 5000 hommes, un jour, dans le désert mais à tous les hommes de tous les temps et de tous les lieux, dont nous sommes ce matin.
-Et, autre chance, nous avons entendu st Jean nous dire dans le 1er chapitre de son Evangile: « le Verbe s'est fait chair ». Le Verbe, la Parole de Dieu, la Révélation de Dieu s'est fait chair.
Nous avons l'occasion chaque année de fêter Noël et de méditer sur le mystère de l'Incarnation, d'entendre l'épître aux Hébreux nous dire, qu'en Jésus, c'est Dieu qui nous parle en son Fils, qui est resplendissement de sa gloire et expression de son être. En Jésus Dieu se dit pleinement. En Jésus c'est la vie même de Dieu qui vient s'enraciner sur notre terre.
Aujourd'hui, Jésus nous dit: cette vie de Dieu qui est en moi, parce que le Père demeure en moi et que je demeure dans le Père, cette vie de Dieu que JE SUIS, je vous la propose en partage pour que vous aussi, vous ayez la vie en vous.
Je suis la Parole, le Verbe de Dieu, je suis le pain que Dieu vous donne en nourriture, je suis la Vie qui jaillit du Père, source de vie éternelle.
 
Lorsque nous célébrons l'Eucharistie, nous sommes invités à écouter la Parole de Dieu qui n'a cessé de retentir tout au long de l'histoire du peuple hébreu ; dans l'Evangile, nous sommes invités à regarder dans la personne de Jésus cette Parole en acte au coeur de notre humanité... Dans le sacrement, dans le signe du pain et du vin, Jésus nous dit : « ne vous contentez pas d'écouter et de regarder... venez, approchez-vous de ma table et goûtez combien le Seigneur est bon...
C'est ce que nous disait la Sagesse dans la 1ère lecture. Et justement le mot sagesse (en latin sapientia) vient du mot latin « sapere » = goûter. Est sage non pas celui qui a des cheveux blancs, mais celui qui est capable de goûter, de savourer, le festin auquel Dieu nous invite.
 
Dans nos célébrations eucharistiques, tous nos sens sont mis en éveil : l'écoute, la vue, le goût, et aussi le toucher puisque ce pain nous le recevons au creux de nos mains mais à travers eux, un sens nouveau prend naissance ; le regard de la foi qui nous fait percevoir la Vie de Dieu au coeur de nos vies.
C'est bien de cela qu'il s'agit : « Celui qui mange ma chair, a la vie en lui »
Nous sommes bien là au coeur de notre foi : Dieu fait homme en Jésus nous offre sa vie en nourriture pour que nous en vivions et qu'elle s’épanouisse en nous en vie éternelle.
Communier au Corps et au Sang du Christ, c'est participer à l'incarnation de Dieu dans notre monde, c'est participer au don que Jésus fait de lui-même pour la vie de ce monde, c'est participer à la résurrection qui nous ouvre la vie éternelle. C'est se proposer d'essayer de vivre là où nous sommes, dans notre monde, comme Jésus a vécu dans le sien. C'est cela notre "Amen" à la proposition : "le corps du Christ"
 
Chacun de nous, je pense, s'est un jour retrouvé à une table où la maîtresse de maison, déposant un plat, nous disait : "devinez ce qu'il y a dedans » Et chacun d'y aller à la petite cuillère, de goûter, de déguster... c'est sucré ... il y a un goût de fraise... moi je dirais des groseilles... moi je goûte le rhum...
 
Nous avons écouté la parole, nous allons partager le repas eucharistique... Nous pourrions nous demander et nous dire l'un à l'autre : Quel goût est-ce que cela me laisse ? Quel est le goût de Dieu dans ma vie ? La vie de Dieu en moi, qu'est-ce que cela change ?
Et si c'était là le sujet de nos conversations à la fin de la messe?
Alors nous aurons pleinement célébré l'Eucharistie, l'action de grâces comme St Paul nous y invite dans la 2ème lecture.
 
Célébrer l'Eucharistie c'est accueillir la vie de Dieu, la goûter, la laisser traverser nos vies pour qu'elle se répande dans notre monde et retourne vers le Père en chant de louange. 

sr Elisabeth

mercredi 15 août 2012

Marie, toute proche

Assomption de Notre-Dame : 15 août
 
Celle qui vous souhaite la bienvenue aujourd’hui, c’est Notre-Dame de l’Assomption, qui est aussi la patronne de notre communauté d’Hurtebise.
 
Tout au long de l’année liturgique, alors que se déroulent les mystères de la vie du Christ, Marie est là, discrètement associée -  comme l’est une mère – à la vie de son Fils. Et le mot qui résume cette attitude de Marie, du début à la fin, c’est « fiat », la parole qu’elle dit à l’ange de l’Annonciation. Fiat : son libre consentement à la grâce de Dieu. Depuis le jour où l’Esprit la prend sous son ombre pour qu’elle conçoive dans sa chair  le Fils de Dieu, jusqu’au jour de la Pentecôte, en passant par les noces de Cana, toutes les étapes de la vie de Jésus, et le Calvaire, on peut dire que Marie a réitéré bien souvent ce « Fiat », ce « oui » qui est la réponse dune âme libre à l’appel intérieur de Dieu. C’est par ce biais que Marie nous est proche. Elle n’est pas une figure inaccessible par une sainteté immaculée, inimitable. Mais elle est pour nous l’exemple, le modèle de ce que l’homme (la femme) peut devenir quand il se laisse façonner par la grâce.
 
Elle nous rappelle que chaque jour, nous pouvons nous aussi redire « oui » à Dieu qui s’invite chez nous. Elle nous témoigne que dans ce oui se cache le secret de la plus grande joie.
 
Marie nous est toute proche. Et en même temps, nous devons bien le reconnaître, le destin de Marie a été exceptionnel. Ce destin particulier nous rappelle deux choses (deux volets d’un unique mystère) : 1 : Dieu s’est fait homme (l’Annonciation, Noël, Marie Mère de Dieu) ; 2 : l’homme est appelé à la divinisation (Assomption, Marie Reine). De ces deux mouvements, le mouvement descendant et le mouvement ascendant, le 2ème nous est sans doute le moins familier. Or, c’est sur celui-là que la fête de l’Assomption nous invite à méditer.
 
Il s’agit en fait du mystère de la plénitude de la résurrection, appliqué à Marie. Si nous cherchons des textes de l’écriture qui nous parlent de l’Assomption, nous n’en trouverons pas. De quoi s’agit-il ? Le dogme de l’Assomption, défini par Pie XII en 1950, dit que Marie, l’Immaculée Mère de Dieu, « au terme de sa vie terrestre, a été élevée en son corps et en son âme à la gloire du ciel ». L’Assomption de Marie découle de sa maternité divine : dans la préface, nous entendrons ceci : Dieu « a préservé de la dégradation du tombeau le corps qui avait porté son propre Fils et mis au monde l’auteur de la vie ».
 
L’anthropologie chrétienne nous dit que nous sommes faits d’un corps et d’une âme et d’un esprit. Quand survient la mort corporelle, notre corps disparaît et nous nous trouvons devant un mystère. Que se passe-t-il avec notre âme ? Avec notre esprit ? Comment ressuscitons-nous, si du moins nous ressuscitons ? Les premiers chrétiens se posaient déjà la question et saint Paul a tenté des réponses dans sa 1ère lettre aux Corinthiens dont nous venons d’entendre un extrait. Ces réponses nous laissent avec pas mal de questions... Mais en tout cas, ce qu’il nous dit aujourd’hui, c’est que la résurrection n’est pas une affaire privée entre Jésus et son Père. Si le Christ n’était ressuscité que pour lui tout seul, à quoi cela nous avancerait-il ? Mais Paul dit : « le Christ est ressuscité d’entre les morts pour être, parmi les morts, le premier ressuscité ». S’il est le premier, c’est qu’il y en aura d’autres ensuite. La résurrection du Christ nous concerne tous : elle est le gage de notre résurrection, elle est la porte ouverte sur une vie éternelle que nous ne pouvons que pressentir... mais que nous pressentons ! Et Paul poursuit : « c’est en Adam que meurent tous les hommes, c’est dans le Christ que tous revivront, mais chacun à son rang : en premier le Christ, et ensuite ceux qui seront au Christ lorsqu’il reviendra ». Notre tendresse pour Marie nous fait volontiers croire que c’est elle qui a suivi directement son cher Fils. Et directement, comme Jésus, « corps et âme ». Mais comment imaginer cela ? Ici, le théologien se tait, pour laisser la place au poète.
 
Par exemple le poète qui a écrit le chant d’entrée que nous avons chanté : « Quelle est celle qui monte à l’orient des cieux nouveaux, comme une aube sur le monde, comme une joie pour son Dieu ? Femme baptisée dans le feu et le souffle d’en haut. Nul n’a vu passer les anges qui l’ont prise à notre nuit. Mais leur hymne de louange nous dit ton nom, ô Marie. Femme que ton Fils a bénie, et qui montes vers lui... »
 
Ou encore le poète qui a écrit le livre de l’Apocalypse et qui décrit cette vision : « Un signe grandiose apparut dans le ciel : une Femme ayant le soleil pour manteau, la lune sous ses pieds et sur la tête une couronne de douze étoiles. »
 
Mais tout cela ne rend-il pas Marie encore plus inaccessible ? Comment allons-nous la rejoindre ? Rassurez-vous : c’est elle qui nous rejoint ! Comme dans l’évangile, par exemple, qui décrit sa visite à Elisabeth. Les deux femmes vivent dans leur corps quelque chose de merveilleux et elles savent que c’est Dieu lui-même qui le leur donne. Les mots qu’elles échangent sont explosion de louange. Marie proclame comment Dieu s’y prend pour l’élever, elle, la petite, l’humble servante. Avant de parler d’Assomption dans la gloire du ciel, inaccessible et mystérieuse, l’élévation de Marie commence dès ici-bas : dès maintenant et depuis toujours, Dieu est un Dieu qui relève les humbles, qui comble de biens les affamés, qui prend soin de ceux qui le craignent. Le Magnificat de Marie nous montre Dieu à l’œuvre ici et maintenant. Dieu descend vers nous pour nous faire monter. Le mouvement de notre divinisation a déjà commencé. Suivons Marie sur ce chemin de louange et chantons avec elle le Magnificat.

sr Marie-Raphaël 

dimanche 12 août 2012

Goûtez et voyez comme est bon le Seigneur

Méditation pour le 19ème dimanche du temps ordinaire (Année B)
 
Goûtez et voyez comme est bon le Seigneur ! Voilà ce qu’ensemble nous avons chanté, reprenant le psaume 33. Le psaume de celui qui trouve en Dieu, vie, refuge, salut. Voilà l’expérience spirituelle que nous sommes tous et toutes appelés à faire, aujourd’hui encore : Goûter et voir comme est bon le Seigneur, comme il est bon pour nous, pour chacun et chacune de nous !
 
Cette expérience d’autres l’ont faite avant nous... les Écritures de ce jour en témoignent :
 
D’abord rejoignons Elie, un personnage haut en couleur... sa vie se lit comme une nouvelle (quelques chapitres seulement dans le premier et le début du second livre des Rois). Elie est un impulsif, un intransigeant, qui s’est consacré à défendre le Seigneur, et à combattre ceux qui lui sont infidèles, ceux qui servent un autre dieu. C’est ainsi qu’il a exécuté de sa propre main 450 prophètes de Baal. Cela lui vaut une colère magistrale de la reine Jézabel, qui lui promet le même sort, la même mort. Elie fuit alors pour sauver sa peau ! Lui qui se montrait le fort, l’intrépide, défiant les rois puissants, voici qu’il panique devant une femme ! Après avoir laissé son serviteur au dernier hameau avant le désert, lui-même s'y enfonce et, au bout d’un jour de marche, il se couche sous un genêt, et là, lui qui fuit pour sauver sa vie, demande la mort : Maintenant, Seigneur, c’en est trop, reprends ma vie, je ne vaux pas mieux que mes pères ! Le voilà dans un moment d’extrême faiblesse, de fragilité, de dépression. Le sentiment d’échec qui le traverse lui paraît insurmontable. Il s’endort, seul dans le désert, épuisé. Ce sommeil est une expérience de mort. C’est alors qu’un ange (littéralement un envoyé) le touche, délicatement, le réveille, et lui ordonne de se lever, de manger et de boire. Elie découvre à son coté un pain cuit sur la braise, et de l’eau ! Délicatesse pour ce désespéré, du pain et de l’eau pour le ramener à la vie. Elie mange et boit mais n’obéit pas à l’injonction de se lever, il se recouche, s’endort à nouveau. Un nouvel envoyé (cette fois le texte nous dit qui l’envoie : le Seigneur) le réveille, l’invite à manger et boire à nouveau. Avec la motivation : sinon le chemin sera trop long pour toi. Cette fois, Elie mange et boit, et se met en route. Quelle route ? voici que le fuyard devient pèlerin. Sa marche, sa longue marche va le mener à l’Horeb, où il va découvrir que le Seigneur est là, présent à sa vie, non dans le fracas, la puissance, mais dans la voix d’un fin silence !  Elie a goûté comme est bon le Seigneur !
Au temps de Jésus, une grande foule assemblée autour de lui, a fait l’expérience de la bonté de Dieu, à travers le partage du pain. Nous avons lu ce récit il y a deux dimanches. Et la foule, goûtant cette joie du partage, rassasiée de ce pain, suit Jésus. Et Jésus leur fait alors une longue catéchèse sur le pain. Je suis le pain qui est descendu du ciel, leur dit-il. Et cela provoque les murmures parmi les juifs. Jésus, il est connu, comment peut-il dire qu’il vient du ciel ! Mais Jésus poursuit sans se laisser arrêter par ces contradicteurs : je suis le pain de vie poursuit-il. Le pain vivant, le pain qui fait vivre ! Et ce pain c’est sa chair...  c'est-à-dire, son être en sa fragilité, en sa faiblesse, son être livré entre nos mains.
Par la foi nous pouvons l’accueillir, par la foi nous pouvons le discerner dans le pain partagé autour de cette table eucharistique, par la foi nous pouvons goûter la bonté de Dieu, dans le don qu’il nous fait de lui-même.
 
Saint Paul dans sa lettre aux Éphésiens, témoigne : vous êtes les enfants bien-aimés de Dieu, le Christ nous a aimés, et s’est livré pour nous. C’est bien le même mouvement. Et cette bonté de Dieu qu’il a goûtée, que les Éphésiens ont goûtée, l’encourage à vivre de manière nouvelle, porteur de la marque de l’Esprit. Oui, devenus temples de l’Esprit, nourris de la vie même de Jésus, nous pouvons à notre tour par notre vie, révéler combien le Seigneur est bon. Manifester que Dieu nous a fait grâce, en faisant grâce à notre tour. Témoigner de la bonté et de la tendresse de Dieu, en étant à notre tour débordants de tendresse et de bonté.
Goûtons et voyons comme le Seigneur est bon !

sr Thérèse-Marie