dimanche 13 novembre 2011

Quand Dieu partage...


Méditation pour le 33ème dimanche du temps ordinaire, année A
Pv 31, Ps 127, 1 Th 5, Mt 25,14-30 
 
Si on écrivait un traité sur la manière dont l’Évangile a été utilisé comme réservoir pour l’éducation morale, je crois que la parabole d’aujourd’hui aurait droit à tout un chapitre… Combien de fois n’y a-t-on pas eu recours, lorsqu’un potache revenait avec un bulletin marqué par une sensible baisse des cotes ? Qu’as-tu fait des talents reçus ? Qui n’a entendu ce genre de remarque ? Par contre, l’utilise-t-on pour féliciter celui qui a progressé ? lui dit-on : Bravo, tu as bien utilisé tes talents ?  
Remarquez,  si on veut utiliser l’Évangile comme un traité de morale, on va avoir quelques petits problèmes, et il faudra bien effacer soigneusement quelques textes… que faire avec « les prostituées et les publicains vous précéderont au Royaume » ? Carré blanc ?
En fait, l’Évangile n’est pas un traité de savoir vivre, un recueil d’histoires pour l’éducation morale de nos jeunes ! Prendre ainsi le livre, c’est le tenir à l’envers… Évidemment il faut reconnaître que le texte d’aujourd’hui nous met sur une pente glissante. Mais si on l’écoutait d’une oreille plus attentive… quel message en recevrions-nous ? Quelle Bonne Nouvelle nous porterait-il ? Car l’Évangile avant de nous dicter une conduite morale, nous révèle le visage de Dieu !
Première petite remarque… sur de nombreux catéchismes et livres illustrés, la parabole des talents est illustrée de façon assez simpliste : un homme a 5 petites pièces de monnaie en main, un autre deux, un autre une seule… à voir la taille des pièces, on pourrait largement en ajouter sans qu’ils n’aient de problème pour les tenir. En fait, que vaut un talent ? 6000 deniers ! C'est-à-dire 6000 jours de salaire. Si vous comptez 300 jours salariés par an, 1 talent c’est 20 ans de salaire ! Nos trois hommes de la parabole ont respectivement reçu 100, 40 et 20 ans de salaire ! Voilà qui nous dit la folie du bien confié à chacun!
Alors, si on réécrivait la parabole ? Me permettez-vous un peu d’audace, que j’espère tout évangélique ?  Jésus parlait aux disciples de sa venue ; il dit cette parabole : « Dieu après avoir créé l’univers, créa l’humanité, et il plaça l’humanité sur cette terre. Il appela les humains et leur confia sa création.  A l’un, il confia l’immensité des mers, à une autre les vastes champs et les forêts, et à un troisième, les montagnes, à chacun selon son dynamisme.  Puis il se retira discrètement. Aussitôt, celui qui avait reçu les mers, se construisit des bateaux, et touché de la confiance qui lui était faite, abandonna ses comptoirs de publicain, et organisa la rencontre des peuples par-delà les océans ; celle qui avait reçu les champs et les forêts les fit fructifier (comme la femme forte de la première lecture)  et elle dansait de joie devant la beauté de ce qui lui avait été confié, toute la forêt chantait de la voir si belle, faut dire, c’était une ancienne prostituée, émerveillée de la confiance qui lui était faite, elle se mit à partager les fruits de son travail ; le docteur de la loi qui avait reçu les montagnes, s’empressa de les clôturer, en se disant : c’est le domaine de Dieu, pas touche, sinon tu vas mourir. Il se construisit une cabane, se procura une arme et tremblant de peur monta la garde !
Longtemps après, Dieu se manifeste à nouveau. Le publicain qui avait reçu les océans, lui dit « Seigneur mon Dieu, comme tu es bon de m’avoir confié ces océans », il raconte son bonheur de les sillonner et d’y entraîner les autres, et la merveille des rencontres qu’il a faites. La prostituée, un collier de fleurs au cou, vient danser avec une ribambelle d’enfants de tous pays, pour lui montrer les fruits que les champs et les forets ont portés, comment ils ont nourri tant de petits et de pauvres. Elle ne sait comment remercier son Seigneur de lui avoir fait une telle confiance. J’avais l’impression que tu étais là à mes côtés, sans relâche, lui avoua-t-elle. Le docteur de la loi vient avec une grande attestation : « voilà ta montagne, tu peux voir, personne n’y a mis les pieds, c’est ton domaine, et je puis t’assurer que la clôture que j’y ai placée c’est du costaud. Personne n’oserait en approcher. Je l’ai même électrifiée.  Tu peux être tranquille. Mais j’en ai assez de la garder, reprends ton bien ! J’ai risqué ma peau jour et nuit, sachant que tu allais me foudroyer si quelqu’un osait franchir cette clôture. » Alors Dieu se tourna vers le publicain et la prostituée et partagea leur joie. Mais oui leur dit-il, je suis avec vous, jusqu’à la fin des temps. Puis il dit au docteur de la loi, je t’avais donné cette montagne, pour que tu y trouves joie et bonheur, toi qui n’avais de cesse de me servir, je t’ai confié ce lieu où j’aimais résider pour que nous prenions plaisir à nous rencontrer, pour que tu y mènes mon peuple… et tu l’as isolé ! Et il dit : enlevez cette clôture de ma montagne, que tous puissent  y venir… que je puisse y marcher au milieu de mon peuple et placez-la autour de cet homme, je m’engage à ne jamais franchir cette clôture puisqu’il a choisi la peur, et refuse la communion. En vérité je vous le dis, les publicains et prostituées vous précèderont en mon royaume… car ils m’ont accueilli en leur vie, et ont partagé mon amour.
N’est-ce pas là le message de cette parabole que nous venons de recevoir. Dieu notre Créateur et Père, nous confie toute son œuvre. Il nous offre en partage cette terre. A nous de lui faire confiance à notre tour, en nous donnant pleinement à son œuvre, en l’aimant à travers tous les gestes de notre vie. Renonçons à ce visage de Dieu qui en fait un être despotique à craindre, un être tyrannique dont il faudrait se protéger. Apprenons à croire en Dieu comme il croit en nous !
Qui donc est Dieu pour nous aimer ainsi ? Voilà le cri émerveillé qui jaillira de nos cœurs tout au long de nos jours!
Sr Thérèse-Marie 

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