dimanche 4 septembre 2011

Lier, délier

23ème dimanche A
 
Il y a deux semaines, nous avons entendu la fameuse confession de Pierre à Césarée : il avait dit à Jésus : « Tu es le Messie, le Fils du Dieu vivant ! » et Jésus lui avait répondu : « Tu es Pierre et sur cette pierre je bâtirai mon Église », et il avait ajouté : « je te donnerai les clés du Royaume des cieux : tout ce que tu auras lié sur la terre sera lié dans les cieux, et tout ce que tu auras délié sur la terre sera délié dans les cieux ». C’est pourquoi, saint Pierre est très souvent représenté dans l’art avec un grand trousseau de clés.
 
Voici donc la « clé » qui va nous permettre d’ouvrir l’évangile d’aujourd’hui. Et vous verrez : cette clé est en fait un « passe-partout » que nous possédons tous. Il suffit peut-être d’oser l’utiliser pour que les portes s’ouvrent…
Donc, les mots-clé qui relient l’évangile d’aujourd’hui à ceux des dimanches précédents et suivants, c’est « lier » et « délier ». Aujourd’hui, Jésus ne le dit plus à Pierre seul, mais à tous ses disciples : « Amen, je vous le dis… » (la déclaration est donc solennelle) « tout ce que vous aurez lié sur la terre sera lié dans le ciel, et tout ce que vous aurez délié sur la terre sera délié dans le ciel. » Cela ressemble un peu à la parole solennelle prononcée par Jésus ressuscité, tout à la fin de l’évangile de Jean, quand le Christ apparaît à ses disciples et leur dit : « Recevez l’Esprit saint. Ceux à qui vous remettrez les péchés, ils leur seront remis. Ceux à qui vous les retiendrez, ils leur seront retenus. » C’est dire la responsabilité qu’il nous confie ! En disant cela, il nous confie le pouvoir de pardonner… il nous délègue un pouvoir proprement divin !
 
« Lier » et « délier », effectivement, cela fait souvent penser au pardon accordé ou refusé. Mais ces mots peuvent aussi être compris d’une façon plus large. Le verbe « lier » est souvent négatif. Il évoque une entrave, une privation de liberté. Jésus est ligoté avant d’être conduit au tribunal, comme Isaac a été lié sur le bois au moment où son père Abraham croyait devoir l’offrir en holocauste. On parle aussi des « liens de la mort » et quand Jésus ressuscite Lazare en l’appelant à sortir du tombeau, il dit « déliez-le et laissez-le aller ».
 
Mais le mot « lier » peut aussi évoquer quelque chose de très positif… par exemple : l’alliance. Aujourd’hui, on entend beaucoup l’expression « il faut être relié ». Telle personne est bien dans sa peau : elle est « reliée ». Reliée à quoi ? à qui ? à des énergies supérieures qui l’inspirent ? à des personnes ? En tout cas, il semble qu’une personne « reliée » est le contraire d’une personne individualiste. Même les îles sont reliées par la terre ferme cachée sous les profondeurs de l’océan.
 
Quand nous y réfléchissons pour nous-mêmes, nous sommes tous « reliés » par toutes sortes de liens. Liens de sang, de la famille, du couple. Liens de l’amitié, de la culture, de la langue… Nous avons tous des réseaux de liens très divers, les uns plus serrés que les autres. Nous pouvons être reliés très fort à une personne que nous ne voyons jamais, et beaucoup moins fort à notre voisin de tous les jours… La plupart de ces liens, nous ne les avons pas choisis. Que nous le voulions ou non, nous sommes liés, aujourd’hui, au destin de la Belgique, de l’Europe, du monde tel qu’il est. Nous sommes liés à tous les hommes et toutes les femmes de notre temps et de tous les temps par le lien de la condition humaine…
 
Si nous n’avons pas choisi ces liens, nous aurons tendance à les subir. Mais si, au lieu de les subir, nous décidons de les choisir, d’en prendre soin, alors tout peut changer… alors, la « reliance » prend le nom de « solidarité » et nous entrons peut-être dans cette parole de Jésus : « tout ce que vous aurez lié sur la terre sera lié dans le ciel ».
Lui, Jésus, il n’a pas subi, il a choisi consciemment de se lier à notre condition humaine : par le mystère de son incarnation. Il s’est fait totalement « solidaire ». Et que signifie cette solidarité, concrètement, pour nous ? C’est ce qu’il tente de nous dire dans la parole d’aujourd’hui : si vous êtes solidaires, cela signifie que vous êtes responsables les uns des autres. Si vous prenez conscience des liens qui vous relient, vous comprendrez que vous n’êtes pas des îles : et cela, pour le meilleur et pour le pire ! Concrètement, nous le savons s’il y a la famine, la guerre, la souffrance dans bien des pays du monde, notre indifférence à l’égard de ces frères et sœurs en humanité finira par nous rattraper. Mais plus près de chez nous, dans nos propres familles et communautés de vie, nous savons que « quand un membre souffre, tous les membres souffrent ; quand un membre est à l’honneur, tous se réjouissent ».
 
Les lectures parlent de cette coresponsabilité. Saint Paul évoque le commandement de l’amour comme celui qui résume tous les autres, celui envers lequel nous ne serons jamais quittes. Ezéchiel évoque le devoir de prophétie et d’avertissement que nous avons tous à exercer les uns envers les autres : « si tu n’avertis pas le méchant, si tu ne lui dis pas d’abandonner sa conduite mauvaise, il mourra, mais toi, tu auras à répondre de son sang ». C’est redoutable ! Le discernement par rapport au bien et au mal s’exerce en communauté. L’évangile nous offre donc un passage de ce qu’on appelle, dans saint Matthieu, le « discours sur l’Église ». C’est peut-être aussi pour nous l’occasion de réfléchir à nos liens par rapport à l’Église. Nous sentons-nous reliés les uns aux autres par le fait que nous professons la même foi ? Et comment exprimons-nous ce lien ? Par le pouvoir de pardonner ?
 
Il sera encore question de pardon dimanche prochain (permettez-moi de faire déjà ce « lien »), mais retenons en tout cas pour aujourd’hui cette parole encourageante du Seigneur : il suffit déjà de deux ou trois pour que le lien fonctionne : « quand deux ou trois sont réunis en mon nom, je suis là, au milieu d’eux ». Alors, prenons cette clé, cliquons sur ce lien, et la porte du Royaume des cieux s’ouvrira.
Sr Marie-Raphaël 

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