dimanche 25 septembre 2011

Le Dieu de la 2ème chance

Médiation pour le 26ème dimanche du temps ordinaire, année A
 
Pendant trois dimanches successifs, la liturgie rapproche des évangiles qui parlent de « la vigne ». Dimanche dernier, c’était la parabole des ouvriers qui sont embauchés par le maître de la vigne, de la première heure jusqu’à la dernière, et qui reçoivent tous le même salaire. Dimanche prochain, nous entendrons la parabole des vignerons homicides. Aujourd’hui, il est question d’un père qui a deux fils et qui leur demande à chacun d’aller « travailler à sa vigne ». Déjà dans l’AT, la vigne est un symbole fort : elle est l’image du peuple d’Israël. Dans ses paraboles, Jésus prolonge l’image en faisant de la vigne le symbole du Royaume de Dieu dans lequel nous sommes appelés à travailler. Il importe à Dieu que nous collaborions à son œuvre, que nous portions du fruit. Le travail du Royaume ne se fera pas sans nous. Mais les fruits ne nous appartiennent pas : ils reviennent à Dieu.
Dieu est donc comme un père qui demande à ses fils : « va travailler aujourd’hui à ma vigne ». On peut réagir de diverses manières : y aller ou ne pas y aller. Les deux fils dont parle Jésus ont une chose en commun : ils ne font pas ce qu’ils disent. L’un dit non, mais il va. L’autre dit oui et ne va pas. Cela nous mène à une réflexion sur la cohérence entre le dire et le faire. « Que ton oui soit oui, que ton non soit non », dira Jésus ailleurs. Mais ici, entre les deux, il est tout de même clair que Jésus préfère celui qui finit par agir. Or, de ce fils-là, il est dit qu’il se repent, c’est-à-dire qu’il change d’avis, qu’il change tout court. Jésus apprécie l’attitude de celui qui est capable de se repentir, de se remettre en question. Il ne s’arrête pas à la première réaction : il sait que nous sommes parfois « secondaires », que nous avons besoin d’une deuxième chance.
C’est déjà ce que faisait remarquer le prophète Ezéchiel : Dieu regarde le fruit qu’on porte, non la belle façade que l’on se donne. Dieu regarde ce que l’on a réellement fait, non ce que l’on dit, ce que l’on prétend. Et ce n’est jamais acquis pour de bon. Le juste peut se détourner de sa justice, se pervertir. Toute la justice qu’il aura pratiquée durant sa vie ne lui sera d’aucun secours s’il meurt dans un état de perversion. C’est dur à entendre, une chose pareille ! Cela nous fait dire que « la conduite du Seigneur est étrange » : nous aimerions qu’il comptabilise davantage toutes nos bonnes actions et les mette dans la balance pour contrebalancer les mauvaises... Mais si la conduite du Seigneur est « étrange » et même « injuste » aux yeux de ceux qui se disent « justes », elle l’est encore davantage pour les autres, pour ceux qui ont « fait le mal » toute leur vie et qui, tout à la fin, se détournent du mal pour faire le bien. Celui-là, dit Dieu, ne mourra pas, il sauvera sa vie.
On pourrait dire que Dieu, aujourd’hui, est « le Dieu de la 2ème chance » (ou même le Dieu de la dernière chance, ce qui était déjà la cas la semaine dernière). Deux réactions possibles : soit cela nous heurte, parce que nous trouvons que la « justice »  de Dieu n’est pas bonne en comptabilité. Alors, nous disons que « la conduite du Seigneur est étrange ». Soit cela nous émerveille, car nous mesurons à quel point Dieu nous aime et guette le moment pour nous montrer sa miséricorde. Ce moment, c’est quand le repentir, le regret de nos fautes nous ouvre à sa grâce. Il n’attend que cela pour déverser sur nous sa miséricorde.
Et cette miséricorde, cette « étrange conduite » de Dieu, après en avoir bénéficié pour nous-mêmes, nous sommes invités à la pratiquer les uns envers les autres. Telle est l’exhortation de Paul dans sa lettre aux Philippiens : que l’on s’encourage mutuellement dans l’amour, que l’on ait de la tendresse et de la pitié. Et la clé qui rend possible toute vraie relation, c’est l’humilité, cette aptitude à estimer les autres supérieurs à soi-même. Or, le modèle de l’humilité que Paul nous montre, c’est Jésus lui-même.
L’humilité de Jésus, d’après ce texte célèbre de Philippiens 2, c’est qu’il était « de la condition de Dieu » et que pourtant il n’a pas estimé devoir être traité à l’égal de Dieu. Au contraire, étant de condition divine, il s’est abaissé au plus bas de notre condition humaine, il est devenu obéissant jusqu’à la mort de la croix. Lui, le Christ, dont Paul dit ailleurs : « il n’a pas été oui et non, il n’a jamais été que oui », voilà jusqu’où ça l’a mené.
Revenons donc à l’évangile, avec cet exemple magnifique du véritable Fils qui a dit « oui » à son Père et qui a vraiment fait ce qu’il a dit, travaillant à sa vigne et lui faisant porter du fruit.
Bien sûr, il vaut mieux dire non et faire oui que dire oui et faire non. Mais il vaudrait mieux encore faire et dire, être totalement transparent, cohérent dans notre être unifié. Seul Jésus est totalement « oui », à la fois en parole et en acte, totalement transparent à la volonté du Père. On pourrait même dire que Jésus est le « oui » du Père à notre égard : il est en personne, il « incarne », l’amour du Père pour nous, pour sa vigne.
Cherchons donc à lui ressembler, mais en toute humilité, sachant que jusqu’au bout, il nous faut être vigilants pour ne pas tomber dans le défaut du deuxième fils. Cherchons un juste équilibre entre le publicain et le grand prêtre, entre celui qui se reconnaît pécheur et se convertit et celui qui est fier de dire « oui » et de tenir parole. Peut-être ce « juste milieu » est-il précisément la voie de l’humilité ?
Apprendre l’humilité, c’est le programme de toute une vie. Confions-nous à Dieu, puisque le psaume nous l’a dit : « sa justice dirige les humbles, il enseigne aux humbles son chemin. »
Sr Marie-Raphaël 

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