samedi 18 décembre 2010

Ne crains pas, Joseph


Evangile du 4ème dimanche d'Avent A: Matthieu 1,18-24
L'évangéliste Matthieu commence son récit par deux « Genèse de Jésus-Christ », la première précisant qu'il s'agit du « fils d'Abraham, fils de David ». Cela pourrait nous intriguer mais regardons-y de plus près.
Le verset 16 qui termine la « première » genèse marque une rupture:
Jacob engendra Joseph, l'époux de Marie de laquelle fut engendré Jésus, que l'on appelle Christ. D’Abraham à Joseph, d'engendrement en engendrement, l'arbre généalogique se dessine sous nos yeux. Brusquement le refrain s'arrête laissant surgir une interrogation: « que se passe-t-il? » Jésus, le premier maillon annoncé au verset 1 attire l'attention sur la particularité de sa naissance: il fut engendré. La formulation est au passif et l'auteur de l'engendrement n'est pas cité. Matthieu, dans la « deuxième » genèse y revient et tente de l'expliciter. Le même titre donné aux deux récits nous montre d'emblée que si Jésus s'enracine dans le peuple d'Israël et dans la descendance royale, s'il a tous les titres requis pour être reconnu comme le Christ, l'oint du Seigneur, il s'en détache en même temps. Il est le Messie attendu et cependant il ne colle pas à l'image que l'on se faisait de lui.
Nous passons d'un langage juridique au langage de la foi, de ce qui peut se vérifier historiquement à ce qui se révèle dans l'intime du coeur.
Matthieu contrairement à Luc, ne retient qu'une seule annonciation: l'annonce à Joseph. Sans doute que la communauté à laquelle il s'adresse connaissait cette tradition et avait admis la conception virginale de Marie et reconnu en elle la promesse de Dieu annoncée par Isaïe? Inutile alors de la reprendre. Mais peut-être aussi que subsistait la question de la filiation davidique de Jésus?
Toujours est-il que Matthieu décrit brièvement la situation: Marie, la mère de Jésus, avait été accordée en mariage à Joseph; or, avant qu’ils aient habité ensemble, elle fut enceinte par l'action de l'Esprit Saint. La suite de l'histoire est entre les mains de Joseph.
Chez les Juifs, les fiançailles étaient un engagement fort, dont on ne se libérait que par un acte de répudiation. Pouvons-nous imaginer le déchirement que cette situation inflige au coeur de Joseph?
D'une part, sa justice, épinglée par l'évangéliste, le retient de se faire passer indûment pour le père de l'enfant et de l'introduire dans la lignée de David alors qu'il n'a sur lui aucun droit. D'autre part, son amour pour Marie, sa confiance, ne peuvent imaginer qu'elle ait pu le tromper. Il ne comprend pas et décide de se séparer de Marie, mais dans le secret... pour ne pas l'humilier?
La délicatesse de son amour va l'ouvrir à une expérience forte qui sera déterminante pour la réalisation du projet de Dieu. Expérience d'une rencontre avec Dieu, tellement inconcevable dans l'Ancien Testament, que l'on parle d'un ange du Seigneur, d'un messager céleste.... Cette rencontre avec Dieu dans l'intime de son coeur, va transformer le jugement même de Joseph et susciter en lui une conviction profonde: il est au coeur d'un mystère et invité à y consentir, à y adhérer. Et le nom de l'enfant lui est confié. Et ce don de Dieu lui confère la paternité.
C'est par Joseph, par son renoncement et son consentement que la promesse de Dieu à David se réalise: « c'est un homme issu de toi que je placerai sur ton trône » (ps 131,11).
Certains exégètes ont vu dans la parole de l'ange à Joseph une opposition en relevant la particule « dè » du texte grec et traduisent ainsi: ce qui a été engendré en elle vient de l'Esprit Saint MAIS (dè) elle enfantera un fils et c'est toi qui lui donneras le nom de Jésus.
Saint Paul nous dit de Dieu qu'il est le “Père de qui toute paternité, au ciel et sur la terre, tire son nom.” (Eph 3,15). Et si “Dieu peut, des pierres que voici, faire surgir des enfants à Abraham”, (Mat 3,9) comment ne le ferait-il d'un homme ouvert à son oeuvre?
Le fait de la conception virginale de Marie, n'est donc pas un obstacle à la descendance davidique de Jésus et n’ôte pas à Joseph son droit de paternité légale que l'ange l'invite à exercer en dépassant sa réserve, sa franchise et sa délicatesse pour les mettre au service du dessein de Dieu.
Ce texte nous invite d'abord à la contemplation de l'oeuvre de Dieu en notre monde qu'il veut sauver de la dérive du péché. Contemplation de sa présence dans l'histoire des hommes et de sa promesse dont rien n'arrête la réalisation, même pas le péché.
Nous pouvons aussi, dans ce texte, trouver un enseignement sur la transmission de la foi parfois si difficile.
Remarquons d'abord que les révélations, les annonciations qui préparent la naissance de Jésus se font sans témoin: Zacharie, Marie, Joseph sont seuls face à l'ange qui leur annonce un événement inédit, inouï, le plus bouleversant qui soit. Comment l'évangile peut-il dès lors nous relater ces événements? Sans doute à partir de confidences? Marie, Joseph tout comme Elisabeth et Zacharie ont du un jour ou l'autre lever le voile sur leur expérience, sur leur perception de la présence de Dieu au creux de leur vie, au fond de leur coeur. C'est ce que l'ange Raphaël recommandait à Tobie: Alors Raphaël les prit tous les deux à l'écart, et il leur dit : "Bénissez Dieu, célébrez-le devant tous les vivants, pour le bien qu'il vous a fait. Bénissez et chantez son Nom. Faites connaître à tous les hommes les actions de Dieu comme elles le méritent, et ne vous lassez pas de le remercier. Il convient de garder le secret du roi tandis qu'il convient de révéler et de publier les oeuvres de Dieu.” (12,6) La transmission de la foi, aujourd'hui encore ne passerait-elle pas par l'humble ouverture de notre coeur visité par le Seigneur. Les psaumes sont-ils autre chose que l'expression de foi de quelqu'un qui a fait l'expérience de l'action de Dieu en lui et autour de lui et ne nous invitent-ils pas à rendre grâces, à chanter les louanges du Seigneur?
Oui rendons grâces pour la foi qui nous a été transmise par tant d'hommes et de femmes, pétris de la Parole, ouverts à l'Esprit et qui ont su trouver des mots pour laisser transparaître les convictions forgées dans la prière et la contemplation. 
Sr Elisabeth

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