18e dimanche TO : Année B (2012)
« Moi,
je suis le pain de la vie »
Les
déclarations de Jésus peuvent nous étonner par leur radicalisme ou leur
caractère lapidaire.
Elles
peuvent aussi ne pas être bien comprises quand leurs racines juives et
bibliques ne nous sont pas familières.
Dans cette
perspective, la liturgie éclaire l’Evangile par les textes du Premier Testament
qui l’ont inspiré.
Regardons
ces textes d’un peu près.
Le livre de
l’Exode raconte l’histoire du peuple d’Israël : Dieu le fit sortir
d’Egypte et le conduisit en Terre promise.
En Egypte,
Israël avait connu l’esclavage, la suppression de la liberté mais aussi la
sécurité d’un temps d’abondance, de satiété – le narrateur évoque les marmites
de viande ! –.
En
contraste avec cette période, le périple au désert fut pour le peuple un
apprentissage de la confiance :
« Voici
que, du ciel, dit le Seigneur à Moïse, je vais faire pleuvoir du pain.
Le peuple
sortira pour recueillir chaque jour sa ration quotidienne »
Du côté de
Dieu, promesse de nourrir quotidiennement son peuple.
De la part
du peuple, confiance en cette promesse :
« Ainsi,
je vais le mettre à l’épreuve : je verrai s’il obéit ou non, à ma
loi »
Derrière
cette distribution du pain, émerge un autre enjeu :
L’attitude
du peuple envers ce pain venu du ciel révèle son sentiment envers son Dieu.
Notons que
le texte que nous venons d’entendre est tronqué : dans la version
intégrale, nous lisons le doute, l’incrédulité de certains qui essayèrent de
conserver la manne, contrariant ainsi l’ordre du Seigneur.
Mais la
manne ne peut être thésaurisée.
Ce don du
pain n’est pas un événement anodin : il exprime l’engagement de Dieu envers le
peuple qu’il a choisi.
Il traduit
le partenariat de l’Alliance :
« Vous
reconnaîtrez alors que moi, le Seigneur, je suis votre Dieu »
S’ensuivent
le vol de cailles et le don de la manne, nourriture venue du ciel :
« C’est
le pain que le Seigneur vous donne à manger »
Sur cet
arrière-fond de l’Exode, nous pouvons mieux comprendre la Bonne Nouvelle de
l’Evangile.
L’extrait
que nous venons d’entendre fait suite au récit habituellement nommé « la
multiplication des pains ».
En fait,
plutôt que de les multiplier, Jésus partage les quelques pains et les poissons
reçus… et rassasie une foule.
Motivée par
ce geste nourricier, la foule cherche Jésus.
Mais Jésus
identifie la raison de leur enthousiasme :
« Vous
me cherchez, non parce que vous avez vu des signes, mais parce que vous avez
mangé du pain et avez été rassasiés »
Qu’est-ce
donc qu’un « signe » dans le contexte de cet Evangile ?
Dans le
quatrième évangile, nous ne trouvons pas l’appellation de
« miracles », mais les gestes de Jésus sont appelés
« signes ».
Par cette
expression, on insiste moins sur le côté merveilleux.
De plus,
ces gestes de Jésus acquièrent ainsi une certaine ambiguïté : ils ne sont
pas évidents, mais appellent une interprétation, un décryptement.
Par ce
terme de signe, Jean ne désigne pas des faits bruts, mais des actes qui
veulent conduire à la foi en Jésus.
Double
facette donc. D’un côté, le fait matériel ; de l’autre, la personne qui le
réalise.
Dans notre
Evangile, nous avons assisté à une multiplication des pains.
Et Jésus
déclare aux témoins de son œuvre qu’ils n’y ont pas vu de signes.
Ils y ont
certes vu un geste, mais ils en sont restés à son apparence, à sa matérialité…
Ils ne se
sont pas posé de questions sur celui qui a opéré ce signe.
Et
pourtant, Jésus les y invite :
« L’œuvre de Dieu, c’est que vous croyiez en celui
qu’il a envoyé »
Ce saut de la foi, les contemporains de Jésus ne peuvent le
faire.
En rappelant le temps ancien, où le Dieu de l’Exode a nourri
son peuple d’un pain venu du ciel, ils révèlent leur peur de s’engager dans la
nouveauté, leur peur de s’ouvrir à la foi.
Jésus les invite à comprendre le « signe » :
« … ce n’est pas Moïse qui vous a donné le pain qui
vient du ciel ; c’est mon Père qui vous donne, le vrai pain venu du
ciel… »
Ce n’est plus un temps passé, mais présent : c’est le
Père qui est donateur du pain.
Et Jésus dit de lui-même :
« Moi, je suis le pain de la vie »
Comme aux contemporains de Jésus, cet Evangile nous est
adressé !
Ces pains
qui nourrissent notre vie ont plusieurs saveurs : pains des relations ou
de la profession, pains de nos bonheurs et de nos joies… ou pains qui nous
manquent…
Par cette
déclaration « Je suis le pain de la vie », Jésus invite à une
attitude de confiance.
Derrière
tous ces pains, pourrons-nous découvrir le « vrai pain », celui qui
veut nous offrir le déploiement de tous nos bonheurs humains, celui qui
« donne la vie au monde » ?
« Celui qui vient à moi n’aura plus jamais faim, dit
Jésus ; celui qui croit en moi n’aura plus jamais soif »
Irons-nous
à lui ?
Sr Marie-Jean