Méditation pour le deuxième dimanche de Carême (année B)
Je
marcherai en présence de Dieu, sur la terre des vivants !
C’est bien
ce que nous venons de chanter avec le psalmiste ! Mais cela ne vous pose
pas question... en présence de quel Dieu sommes-nous décidés à
marcher ? Quelle est cette terre des vivants ?
Un Dieu
qui ne nous a pas refusé son Fils nous répond st Paul. Un Dieu du don
total, absolu, sans réserve ! Et une terre de vie : Jésus est
mort, plus encore il est ressuscité, continue st Paul en n’arrêtant pas son
regard pour cette vie seulement mais sur l’éternité que Jésus partage avec son
Père, d’où il intercède pour nous. Il est assis à la droite de Dieu,
précise st Paul, c'est à dire que Jésus est à pied d’égalité avec lui. Et nous,
où est-on dans tout cela ? Dieu sera pour nous, atteste st Paul... Bon !
Et ça veut dire quoi ?
C’est là
qu’il nous faut sans doute revenir au texte de la Genèse qui ouvrait la
liturgie de la Parole. Et je reconnais volontiers que là, nous sommes en droit
de nous poser quelques questions... A première écoute, j’entends un Dieu qui,
pour éprouver Abraham, n’hésite pas à lui réclamer en sacrifice son enfant
unique !!! L’enfant promis par Dieu ! Alors quel Dieu ?
Souhaitons-nous marcher en présence d’un tel Dieu ? On a quand même envie
de mettre quelques réserves, non ? Mais… Bien sûr qu'il y a un
"mais…", que devient notre regard sur Dieu si nous scrutons le texte
plus à fond ! Tout d’abord, il faut bien accepter que la liturgie ne sait
pas nous offrir un texte en son intégralité, sous peine d’être bien plus
longue... donc, nous avons ici, un petit morceau, quelques versets choisis au
sein d’un récit... il faudra peut-être prendre le temps cette semaine, pour
aller relire l'ensemble du cycle d’Abraham (prenez la Genèse chapitre 12, ou
déjà fin chapitre 11 pour écouter la généalogie dans laquelle Abraham
s’inscrit). Aujourd’hui, le texte commence par Dieu mit Abraham à
l’épreuve... Il lui dit : « Prends ton fils, ton fils unique, celui
que tu aimes, Isaac »... Il n’y a pas à hésiter. Dieu sait exactement
la situation. Abraham a un fils, unique, bien-aimé qui porte le nom d’Isaac. Et
Dieu continue : va au pays de Moriah, et là tu l’offriras en sacrifice
sur la montagne que je t’indiquerai. Bon, vous êtes toujours d’accord de
marcher avec ce Dieu ? est-ce vraiment sur la terre des vivants qu’il
entraîne Abraham ???
Alors il
faut creuser. Il faut tenter de comprendre. André Wénin, bibliste de renom s'il
en est, nous met une première chose en évidence : la traduction liturgique
a simplifié le texte hébreu. Il faudrait écrire nous dit-il : Prends
ton fils, ton unique... et fais-le monter là pour un holocauste. Rien dans
la demande ne dit qu’il s’agit de sacrifier Isaac. Mais comme le souligne André
Wénin, la demande est ambiguë, et dans une société où les sacrifices des
premiers-nés sont encore, sinon pratiques courantes, au moins dans l’air du
temps, Abraham a dû réfléchir pour comprendre la demande de Dieu. S’agissait-il
de monter offrir son fils en holocauste, ou s’agissait-il d’aller avec son
fils, offrir un holocauste ? Ce qui, vous en conviendrez, n'est pas
vraiment la même chose !
Le texte
ensuite trace de façon très poignante la manière dont père et fils gravissent
la montagne, et on devine toute l’angoisse d’Abraham, qui doit se demander, si
vraiment Dieu veut son fils...
Et puis
vient le dénouement que nous avons entendu... lorsqu’Abraham élève le couteau
pour offrir son fils, lorsqu’il est prêt à offrir à Dieu ce qu’il a de plus
cher, Dieu l’arrête ! Non, n’immole pas l’enfant !
Alors quel
Dieu ? Un Dieu qui refuse le sacrifice d’un être humain ! Un Dieu qui
veut des êtres libres : Abraham doit abandonner ce pouvoir de vie et de
mort qu’il avait sur son fils, le délier et le laisser aller. Et effectivement
si vous regardez la suite du texte, vous le verrez descendre la montagne
seul... son fils est allé son chemin...
Quel
Dieu ? un Dieu dont Abraham devient peu à peu l’image : un Père
aimant, qui ne retient pas son fils ! Qui le laisse libre de tracer son
chemin...
Dans
l’évangile, Jésus partage avec quelques disciples un moment privilégié de sa
communion en Dieu. Il est en prière sur la montagne, lieu de la rencontre avec
son Père, et il en est transfiguré. Jésus partage ainsi à ses proches ce qu’il
a de plus cher, et qui lui donne la force d’affronter son destin : sa
communion au Père. Et lorsque Pierre a bien envie de s’arrêter là, sur la
montagne de lumière, Jésus l’invite à partager le chemin qui est le sien...
Cette communion au Père, il faut la vivre dans le quotidien de son existence,
dans la fidélité à sa mission. Il faut redescendre pour marcher jusqu’à la
Pâque, porte vers la terre des vivants.
Aujourd’hui,
notre Dieu, ami des hommes se fait connaître :
Par
Abraham, sur le mont Moriah, il a révélé le vrai visage du Père qui aime et
veut la vie.
Par Jésus
transfiguré sur la montagne, il révèle le visage du Dieu qui est communion
d’amour et de lumière.
Par st
Paul, méditant sur le mont Golgotha, il révèle le visage d’un Dieu qui nous a
tout donné en nous donnant son fils, d’un Dieu qui nous offre sa terre
d’éternité en partage.
Et par
nous, aujourd’hui, quel visage sera révélé ?
Sr Thérèse-Marie
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire