Méditation
pour le 16ème dimanche de l’année A
Aujourd’hui,
la brièveté de la 2ème lecture semble être là pour compenser la
longueur de l’Évangile.
Brièveté ?
Mais attention : cette lecture vaut son pesant d’or ! Écoutez :
« frères et sœurs, l’Esprit Saint vient au secours de notre faiblesse, car
nous ne savons pas prier comme il faut. » Qui d’entre nous pourrait prétendre
savoir prier parfaitement sans l’aide de l’Esprit Saint ? Mais quelle
consolation, quelle tranquille assurance quand nous entendons saint Paul
lui-même nous affirmer : « l’Esprit s’en occupe ». Et cela ne
nous dispense certes pas de prier ! Mais cela nous invite à prier sans
inquiétude, à faire de notre prière avant tout une disposition intérieure
d’ouverture à l’Esprit, dans l’assurance que l’Esprit fera le reste, et le fera
bien, puisque, connaissant la volonté de Dieu, il ne peut se tromper par rapport
à elle, il ne peut nous fourvoyer…
Cette
assurance nous permet d’aborder l’évangile : trois paraboles suivies de
l’explication de la 1ère des trois. Et en cours de route cette
affirmation de l’évangéliste que « Jésus ne leur disait rien sans employer
de paraboles ». Nous l’avons déjà constaté dimanche dernier : quand
Jésus enseigne – et surtout quand il veut faire comprendre des choses
difficiles – il raconte des histoires. D’emblée, quand quelqu’un nous raconte
des histoires, nous dressons l’oreille : c’est agréable à écouter, cela
fait marcher l’imagination et cela s’imprime beaucoup mieux dans la mémoire…
Mais c’est une histoire, pas une vérité dogmatique à l’état brut : cela
demande à être interprété, prolongé dans une expérience de vie.
Les trois
paraboles d’aujourd’hui ont certainement ceci en commun : il ne faut pas
se fier aux apparences.
Le levain,
c’est peu de chose par rapport à la masse de la pâte. Mais celles et ceux
d’entre nous qui font du pain le savent bien : le levain, ça change tout.
Grâce à lui, il y a tout un travail de mûrissement qui se fait et qui
transforme le tout. Pour faire le lien avec la lettre aux Romains, le
travail du levain dans la pâte, c’est comme le travail de l’Esprit dans notre
âme quand nous prions.
Même
travail de mûrissement pour la graine de moutarde. Ne vous fiez pas aux
apparences : sa petitesse n’augure rien de la grandeur de l’arbre qui en
sortira. Et la moutarde, en plus, donne du piquant : elle est capable de
relever le goût de tout un plat. Ne nous fions pas aux apparences : si
petite, si pauvre soit notre prière, si l’Esprit l’anime, elle peut soulever le
monde.
La parabole
de l’ivraie dans le champ, quant à elle, nous enseigne qu’il y a d’autres
circonstances où il ne faut pas se fier aux apparences. Quand nous voyons mûrir
un champ de blé, au début, nous n’y voyons rien d’indistinct. Mais au fur et à
mesure du mûrissement, nous découvrons que le bon blé est mêlé d’autre
chose : notre champ n’est pas aussi pur que nous le croyions. Qui n’a pas
fait cette expérience pour lui-même dans le jeu des relations humaines ?
Au début, tout baigne… À mesure que la relation s’approfondit, on découvre en
son propre cœur que tout n’est pas « pur » dans nos intentions, que
nous avons des idées derrière la tête, peut-être des jalousies, des colères.
D’où viennent-elles ? D’où viennent, en fin de compte, les rivalités, les
tensions, les violences… oui, même les guerres ?
Dans la
parabole, les serviteurs disent au maître : « Seigneur, n’est-ce pas du
bon grain que tu as semé dans ton champ ? D’où vient donc qu’il y a de
l’ivraie ? » (signalons, au passage, que le mot grec que l’on traduit
par ivraie, c’est la « zizanie »). Le maître de la parabole donne une
réponse évasive : « c’est un ennemi qui a fait cela ». Dans
l’explication qui vient après, Matthieu fait dire à Jésus :
« l’ennemi, c’est le démon ».
Cette
réponse nous semble un peu brève… Mais nous sommes comme les disciples :
nous aimons avoir des réponses à nos questions, cela nous rassure, nous voulons
savoir d’où vient le mal. En disant « c’est le démon », Jésus veut
peut-être dire deux choses : la cause du mal n’est pas en Dieu… mais comme
telle, elle n’est pas en nous non plus… Aujourd’hui, les sciences humaines nous
ont appris que tout cela est assez complexe. Que les rivalités, les jalousies,
les petites et grandes tensions de nos vies, bref, la zizanie, qu’elle soit à
l’intérieur de nous ou dans nos relations avec les autres, a presque toujours
son origine dans des blessures, parfois très anciennes, parfois vieilles de
plusieurs générations. Et souvent, cela nous échappe. Souvent, nous ne pouvons
pas agir sur la cause du mal. Dans la parabole, l’ivraie est semée dans
le champ alors que tout le monde dort.
Mais alors,
comme dans la parabole, nous avons envie d’agir sur le mal quand il se fait
jour, arracher l’ivraie. Le maître voit plus loin : il nous arrête dans
notre zèle mal éclairé : si l’ivraie est inextricablement liée au bon
grain, ne faites pas le tri vous-mêmes, vous risqueriez de jeter le bébé avec
l’eau du bain…
Que faire
alors ? Baisser les bras ? Se soumettre à la fatalité ? La
réponse proposée par la parabole déplace la perspective : elle ne dit pas
ce que nous devons faire devant le problème de la zizanie (elle ne nous
donne pas un cours de morale), mais elle nous montre quelque chose de Dieu,
de sa façon d’agir avec nous, avec le cœur de l’homme où se mélangent le
bien et le mal. Et la clé de tout, c’est la patience.
Ici encore,
osons un lien avec la lettre aux Romains : permettez-moi un jeu de
mots : nous ne savons pas « trier comme il faut », nous
ne savons pas, par nous-mêmes, faire le tri entre le bon grain et l’ivraie.
Mais si nous laissons venir l’Esprit, nous ne serons pas écrasés par le
découragement. Nous savons que l’Esprit connaît les intentions de Dieu.
Patiemment, il travaille…
Patience
donc ! Voilà le mot du maître de la parabole. Voilà le bel attribut de
Dieu que nous présente la 1ère lecture, du livre de la Sagesse.
C’est parce qu’il « domine toute chose » que Dieu – à la différence
des tyrans humains – peut se montrer patient. « Dieu de tendresse et de
pitié, lent à la colère, plein d’amour et de vérité », nous dit le psaume
85. Et cette patience de Dieu devant nos cœurs mélangés (devant nos champs
mêlés de bon grain et d’ivraie) opère un miracle inattendu. Un miracle qui
n’attend pas le dernier jour, le jour du jugement, de la moisson, du tri
définitif, un miracle qui commence dès maintenant, dès l’instant où nous
laissons entrer l’Esprit : avez-vous jamais vu l’ivraie devenir du bon
blé ? Eh bien, en Dieu, c’est possible. C’est ce que dit la dernière
phrase de la 1ère lecture : « tu as pénétré tes fils d’une
belle espérance : à ceux qui ont péché, tu accordes la conversion. »
Ainsi, l’ivraie elle-même trouve sa place dans le plan de Dieu. Comme lui,
ayons de la patience : laissons-nous « travailler » par
l’Esprit !
Sr Marie-Raphaël
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