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juillet : méditation pour la fête de saint Jacques
La première
lecture de cette fête convient particulièrement bien à saint Jacques. Surtout
si on se rappelle ce qui précède : dans ce beau chapitre 4 de la 2ème
aux Corinthiens, Paul évoque le rôle des apôtres à l’égard de la Bonne
Nouvelle, parlant aussi de l’accueil qu’on réserve à « l’évangile de la
gloire du Christ, lui qui est l’image de Dieu ». Et il poursuit en
disant : « Le Dieu qui a dit : que la lumière brille au
milieu des ténèbres, c’est lui-même qui a brillé dans nos cœurs pour faire
resplendir la connaissance de sa gloire qui rayonne sur le visage du
Christ. »
Oui, ce
passage convient particulièrement à saint Jacques, lui qui a été témoin, avec
Jean et Pierre, de la Transfiguration de Jésus, lui qui a littéralement vu
rayonner sur le visage du Christ cette gloire de Dieu.
Et cette
vision, c’est le trésor dont il est garant. La suite du texte d’applique donc
bien à lui aussi :
« ce
trésor , nous le portons comme dans des poteries sans valeur ».
Littéralement : « dans des objets de céramique ». Traduire
« poterie sans valeur » n’est pas faux, mais cela limite
l’interprétation à la dimension du « peu de valeur », alors que
l’image renvoie aussi à l’aspect de fragilité. (TOB et BJ : « vases
d’argile ») En disant « vase d’argile », on ne se prononce pas
autant sur la valeur de l’objet. Il y a à la fois le côté
« ordinaire » et le côté « fragile ». Le but est de montrer
le contraste avec le trésor qui s’y trouve contenu. En général, on conserve un
trésor dans un coffre-fort. Ou bien dans un récipient de valeur, un matériau
noble (or, argent, cristal). Si en plus, comme ici, le trésor est une lumière
qui rayonne, le contraste porte aussi sur l’opacité de l’argile, qui ne
laisse pas passer la lumière. Cela peut nous faire penser à sœur Scholastique,
quand elle allait chez le banquier, déposés les quelques sous de son cabas d’où
émergeait une botte de poireaux... le trésor dans l’anonymat...
Mais par
cette image, évidemment, Paul veut nous faire comprendre la logique de
Dieu : le trésor qu’il nous confie n’est pas fait pour être enfermé dans
un coffre-fort. Et peu importe si notre argile est ordinaire et opaque, ce qui
est formidable, c’est qu’elle se voit confier un trésor. L’extraordinaire
puissance de son rayonnement n’en est que plus étonnante, plus convaincante.
C’est le paradoxe de la vie d’apôtre, de missionnaire, évoqué dans les lignes
suivantes : « à tout moment, nous subissons l’épreuve, mais nous ne
sommes pas écrasés, nous sommes désorientés, mais non pas désemparés,
pourchassés mais non pas abandonnés, etc. ».
Saint
Jacques en a su quelque chose, lui aussi. Le fait d’avoir été témoin de
la Transfiguration lui est-il monté à la tête ? Ou était-ce une manœuvre
de sa maman, si fière de voir que Jésus faisait de ses deux fils des confidents
particuliers ? En tout cas, d’après l’évangile, il se voyait déjà, avec
son frère, « premier ministre », assis à la droite ou à la gauche de
Jésus dans son Royaume... Il avait de l’ambition, ce cœur ardent, ce
« fils du tonnerre ». Jésus n’a pas refoulé cette ambition un peu
déplacée. Il connaissait le vase d’argile de Jacques auquel il confiait son
trésor. Il ne l’a pas méprisé dans sa demande, mais il a saisi l’occasion pour
lui faire faire un pas de plus. L’ambition, en soi, n’est pas mauvaise, mais
elle ne doit pas se tromper de but. « Vous ne savez pas ce que vous
demandez ». Jésus réoriente le zèle des deux frères (et le regard des dix
autres) en leur faisant comprendre ce que signifie vraiment « être assis à
la droite ou à la gauche » du Fils de Dieu. « Le Fils de l’homme
n’est pas venu pour être servi, mais pour servir et donner sa vie en rançon
pour la multitude ». Et de fait, après la lumière de la transfiguration,
Jésus fera de Pierre, Jacques et Jean également les témoins proches de la ténèbre
de son agonie.
Lumière
dans les vases d’argile.
Ainsi formé
par le Maître, transfiguré par lui, Jacques a pu aller à l’extrême du
témoignage de son amour pour lui : le martyre.
Offrons à
Dieu nos vases d’argile, nos existences pétries de terre, opaques, fragiles et
ordinaires, mais traversées de l’intérieur par la lumière de sa gloire qui
franchit les barrières de nos opacités et nous transforme peu à peu en son
image : celle du Fils de l’Homme venu servir et donner sa vie.
Sr Marie-Raphaël