4ème dimanche de carême A: 1 Sa 16,1.6-7.10-13; Eph
5,8-14; Jean 9,1-41
Un aveugle sur la route... Est-ce lui qui a péché ? Ou
ses parents ?
Fausse question dit Jésus qui ne s'attarde pas à chercher la
cause de cette cécité. Dans la mentalité, dans les clichés de l’époque, il
semblait évident qu’un handicap, une maladie, un événement contraire ne
pouvaient être que le signe d'une malédiction..., la conséquence d'une faute.
C'était oublier ce que la première lecture nous rappelle : 'Dieu
ne regarde pas comme les hommes car les hommes regardent l'apparence mais le
Seigneur regarde le coeur.'
En apparence, au regard de son entourage, cet homme est
aveugle donc il est pécheur. Il n'est même pas nommé, il est identifié et
réduit à ses yeux qui ne voient pas. Au regard de Jésus, qui est le regard du
Père... il a le coeur ouvert, il devient ainsi occasion pour Jésus de se
manifester en lui et d'accomplir sa mission. St Jean n'avait-il pas ouvert son
Evangile en annonçant que « Le Verbe était la vraie lumière qui, en
venant dans le monde, illumine tout homme » ? Et Jésus lui-même
se présente 'Lumière du monde'.
Cet homme privé de lumière va devenir signe de la présence
de Dieu parmi nous, signe de la vraie lumière.
La guérison nous est racontée très brièvement : « Jésus
fait un peu de boue avec sa salive, en frotte les yeux de l'aveugle et lui
dit : va te laver à la piscine de Siloë » Puis Jésus disparaît.
Il ne revient qu'à la fin du récit.
C'est que l'essentiel n'est pas là...
« Va te laver à Siloë », st Jean précise, Siloë
signifie l'envoyé. Jésus, l'Envoyé du Père, en guérissant l'aveugle,
fait de lui un envoyé à son tour. Notons que cet homme n'avait rien
demandé ; pas plus que David, dans la première lecture, ne s'attendait à
être choisi comme roi. Dieu appelle qui il veut, il prend l'initiative et donne
en même temps la grâce pour répondre à son appel. Une grâce reçue, un don de
Dieu, un appel n'est jamais individuel, il y a toujours une dimension
communautaire 'pour le salut du monde'. La suite du récit nous montre
bien que tous sont concernés par l'événement qui vient de se produire ;
l'évangéliste pointe les différentes réactions qu'il suscite :
1) les gens du voisinage : ils
s'interrogent : est-ce bien lui ? Oui c'est bien moi leur dit
l'aveugle guéri. Mais ils restent dans l'étonnement . L'événement les
dépasse et ils se sentent incapables de prendre position. Pour savoir ce qu'il
convient de penser, ils s'en remettent à plus savants qu'eux.
2) car les pharisiens, eux, ils savent ! Et pire
ils savent qu'ils savent. Ils connaissent les Écritures et la Loi, ils savent
ce que Dieu peut faire et jusqu'où il peut aller. Ils commencent par
interroger : « Comment se fait-il que tu voies ? » -
« Il m'a mis de la boue sur les yeux, je me suis lavé et maintenant je
vois. »
Réponse qui divise les pharisiens : c'est le sabbat,
jour de repos ; donc celui qui a guéri un homme ce jour-là ne respecte pas
la loi, il ne vient pas de Dieu. Mais d'autres disent : « Mais un
pécheur ne peut pas réaliser un tel signe ! »
L'enjeu est grave pour eux car s'il s'agit bien d'une oeuvre
de Dieu, les voilà remis en question, l'autorité que leur donne leur science
risque bien d'en prendre un coup.
Ils refusent de croire que cet homme qui voit, était bien né
aveugle et ils cherchent à en avoir confirmation auprès des
3) parents qui affirment clairement « oui
c'est bien notre fils et il est né aveugle». Mais ils ne sont pas
prêts à lier leur sort à celui de Jésus dont la réputation est quelque peu
malmenée.
L'évidence même ne remet pas en question la certitude,
l'assurance des Pharisiens.
Leur réaction témoigne du regard qu'ils portent sur la
réalité. « Ce n'est pas possible, disent-ils, Nous savons, nous, que
cet homme Jésus est un pécheur. Il n'observe pas le sabbat donc il ne vient pas
de Dieu, donc il ne peut pas rendre la vue à un aveugle »
On peut imaginer le sourire quelque peu interloqué de 4) l'aveugle :
Il ne sait pas qui est Jésus mais il sait qu'il ne voyait rien et que
maintenant il voit. Il était dans l'obscurité, il est dans la lumière. Et son
regard intérieur lui aussi se transforme peu à peu: au début du récit, il
est face à un homme qu'on appelle Jésus... puisqu'il accomplit un tel signe, il
est sûrement prophète ; bien plus, un pécheur ne peut pas donner la vue à
un aveugle, il est donc Envoyé de Dieu...
-Remarquons la différence de raisonnement par rapport à
celui des Pharisiens: Tous sont d'accord pour dire: « un pécheur ne
peut pas donner la vue à un aveugle » les pharisiens disent: Jésus est
pécheur donc il n'a pas pu donner la vue. L'aveugle constate « Il m'a
rendu la vue, donc il est l'Envoyé de Dieu »-
Ce cheminement intérieur – l'homme Jésus, le prophète,
l'envoyé de Dieu- le prépare à accueillir la révélation de Jésus lui-même qui
se déclare Fils de l'Homme et à passer à l'acte de foi : Je crois
Seigneur.
Retournement de situation : la lumière n'est pas là où
on l'attendait. Les Pharisiens, enfermés dans leur science et leurs certitudes
sont empêchés de voir même l'évidence. L'aveugle avec droiture et simplicité
accueille la réalité et le signe qu'elle porte en elle.
Ce récit serait-il seulement une belle histoire ? Il
nous invite en tout cas à prendre nous aussi position devant les signes qui
sont donnés à notre foi. Il est vrai que ce n'est pas tous les jours que nous
sommes devant une guérison spectaculaire mais saurons-nous reconnaître l'oeuvre
de Dieu -dans le cheminement des catéchumènes qui seront baptisés à
Pâques et proclameront leur foi?, -dans la joie qui illumine le regard
d'un malade, d'un mourant ou de quelqu'un qui aurait toutes les raisons de se
décourager ?, -dans la sérénité de la foi qui permet à une famille de
traverser l'épreuve douloureuse d'un deuil tragique ?
Oui une grâce reçue est toujours communautaire et si la
lumière est accordée à l'un d'entre nous, et qu'il l'accueille avec droiture et
simplicité, elle produira comme le dit st Paul, un fruit de bonté, de justice
et de vérité. A ce fruit, nous sommes tous appelés à reconnaître la Lumière du
Christ, à nous réjouir de sa présence parmi nous et à notre tour proclamer
notre Foi.
Sr Elisabeth
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