méditation pour le troisième dimanche d'Avent (année B)
Is
61,1-2a.10-11 ; cant Luc 1,47-55 ; 1 Th 5, 16-24 ; Jean 1, 6-8.19-28
Soyez toujours dans la joie !
Qui de nous oserait formuler une telle invitation sans
craindre de se faire prendre pour un illuminé, un doux rêveur ou un écervelé
inconscient de la réalité de la vie ! Et pourtant c’est bien ce que saint Paul
nous dit ce matin, et non seulement il le dit, mais il ajoute que c’est là
l’invitation, l’attente de Dieu lui-même : Soyez toujours dans la joie...c’est
ce que Dieu attend de vous dans le Christ Jésus.
Oui, aujourd’hui, c’est le dimanche de la joie, je devrais
dire un des deux dimanches de l’année liturgique où l’invitation à la joie se
fait plus pressante. Sa position dans l’année liturgique peut surprendre. Ne
vaudrait-il pas mieux glisser ces textes dans la foulée de Noël ou de Pâques ?
Or les deux dimanches de la joie sont situés au cœur de temps plus austères :
il s’agit d’aujourd’hui, le troisième dimanche de l’Avent; et le second, c'est,
vous le savez, le dimanche de laetare, quatrième dimanche de carême.
Bien sûr on a fait du dimanche de laetare, à la mi-carême,
un dimanche où on arrêtait les austérités du Carême, où on célébrait le fait
que, ouf, la moitié du carême était déjà passée... comme on pourrait célébrer
aujourd’hui, la moitié de l’Avent.
Mais peut-on décemment aujourd’hui inviter à la joie ?
Quelle est cette joie à la laquelle nous sommes invités ? La joie chrétienne
n’est pas la joie du carnaval, elle n’est pas une joie effervescente, fruit
d’une naïveté invraisemblable; elle n’est surtout pas déni de la dure réalité
du quotidien ; elle est le chant de la foi, même si c’est de nuit ! Elle est le
chant de la communion. Réjouissez-vous parce que le Seigneur est proche[1] ;
réjouissez-vous parce qu’il est présent à vos épreuves et à vos souffrances.
Réjouissez-vous, car il pose son regard sur vous. Réjouissez-vous car Dieu est
avec vous : entendez-le vous dire à chacun, au plus profond de votre cœur : tu
n’es pas seul ! je partage ta souffrance, les larmes qui ruissellent sur tes
joues ravinent les miennes, je suis avec toi à chaque instant, je communie à
tout ce qui fait ta vie : ton bonheur et ta peine.
La joie chrétienne est don de l’Esprit. Et cet Esprit est
Esprit du Père et du Fils, il est le lien de l’amour, il est communion. Nous le
voyons à l’œuvre dans ce passage du livre d’Isaïe qui a été proclamé : Le
prophète tressaille de joie, parce que le Seigneur, en un geste de noce, l’a
revêtu des vêtements du salut (notre robe baptismale). La joie de Dieu, joie
qui est sienne et qu’il nous partage, c’est la joie de l’amour : Dieu aime, au
point de faire de nous ses enfants, au point de nous sauver ! Et cela rien,
aucune épreuve, aucune mort, aucune souffrance ne peut nous l’enlever. Dieu
s’est épris d’amour pour chacun et chacune de nous. Rien ne pourra nous séparer
de l’amour de Dieu.
Et pour nous le dire, pour nous le faire réaliser, il n’a
cessé d’envoyer ses serviteurs les prophètes, ses porte-parole, jusqu’au jour
où il a envoyé son Fils. C’est lui par excellence sur qui repose l’Esprit,
c’est lui qui est envoyé porter la Bonne Nouvelle aux pauvres, guérir ceux qui
ont le cœur brisé, annoncer aux prisonniers la délivrance et, l’hébreu qui
parle en image, poursuit : annoncer l’hirondelle aux captifs ! façon de leur
annoncer la liberté. Et nous sommes invités à partager sa mission.
Voilà la joie chrétienne, une joie de communion, une joie
d’amour qui vient tout partager. Vivre avec lui, tout ce qu’il nous faut vivre.
Voilà l’appel de ce jour.
C’est la joie du Baptiste. Il ne se glorifie pas de sa
mission, il ne se glorifie pas de son œuvre, il est heureux de voir le salut de
Dieu venir à lui, et sur le monde. Il n’a de cesse de tourner les regards vers
Jésus. Il reconnaît en lui le Dieu qui vient épouser notre humanité, et il en
est comblé de joie.
C’est bien là ce que Bernanos faisait dire au curé de Torcy,
dans le Journal d’un curé de campagne : Tiens, je vais te définir un peuple
chrétien par son contraire. Le contraire d’un peuple chrétien, c’est un peuple
triste, un peuple de vieux. Tu me diras que la définition n’est pas trop
théologique. D’accord. Mais elle a de quoi faire réfléchir les messieurs qui
bâillent à la messe du dimanche. (c’est Bernanos qui le dit !!!) Bien sûr
qu’ils baillent ! Tu ne voudrais pas qu’en une malheureuse demi-heure par
semaine, l’Église puisse leur apprendre la joie ! ... et il continue : d’où
vient que le temps de notre petite enfance nous apparaît si doux, si rayonnant
? Un gosse a des peines comme tout le monde, et il est, en somme, si désarmé
contre la douleur, la maladie ! ... c’est du sentiment de sa propre impuissance
que l’enfant tire humblement le principe même de sa joie. Il s’en rapporte à sa
mère, comprends-tu ? Présent, passé, avenir, toute sa vie, la vie entière tient
dans un regard, et ce regard est un sourire. [2]
En participant à cette eucharistie, nous sommes invités à
vivre cet échange de regard avec notre Dieu et Père, cet échange de sourire ;
quelle que soit la difficulté du chemin, notre Dieu vient communier à notre vie
et nous invite à communier à la sienne ! Devenons ensemble ce que nous recevons
: le corps du Christ, pour la joie de Dieu, pour la nôtre, et celle de notre
terre. Alors nous serons ensemble peuple chrétien.
Sr Thérèse-Marie
[1] Ph 4, 4-5 cité comme antienne d’ouverture
[2] Georges BERNANOS, Journal d’un curé de campagne. Ed
Livre de Poche, 1936, p 23 sv.
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