3e dimanche de
Carême : Année A (2017)
Tout a commencé par une
rencontre.
Rencontre fortuite, inattendue,
inespérée.
La rencontre surgit,
singulière, dans le quotidien.
Le quotidien de nos
existences humaines.
Après cette rencontre, rien
n’est plus jamais comme avant.
Une vie bascule.
C’est un passage de la mort
à la vie.
On y pressent déjà le matin
de Pâques…
Ce fut le cas pour cette
femme.
Une femme de Samarie, d’un peuple
considéré à l’époque comme schismatique, hérétique.
On l’explique par l’histoire.
Jérusalem était devenue le
lieu officiel pour le culte du Dieu d’Israël.
Les Samaritains continuaient
toutefois à honorer Dieu sur le Mont Garizim.
Un peuple de « tradis »,
en somme.
Par conséquent, « les
Juifs ne fréquentent pas les Samaritains ».
C’est l’heure la plus chaude
du jour.
Jésus est fatigué par la
route.
On y lit une authentique
humanité, qui porte le poids du jour et de la chaleur.
Qu’il soit fatigué, cela se
comprend.
Mais pourquoi cette femme
vient-elle puiser de l’eau à midi ?
C’est précisément parce que
personne ne sera au puits qu’elle vient puiser à la sixième heure.
Une vie qui préfère rester
cachée, discrète.
Une existence de souffrance,
de honte s’y devine.
Jésus va à la rencontre de
cette femme.
Et il lui adresse une demande,
qui a l’apparence d’un ordre : « Donne-moi à boire ».
Lui, un homme, un Juif, fort
de la supériorité de sa foi.
Cet homme-là exprime sa
fragilité, sa vulnérabilité : « Donne-moi à boire ».
Il se fait quêteur d’eau
pour étancher sa soif.
Mais sans doute aussi d’une autre eau, que sa réponse suggère :
« Si tu savais le don de Dieu et qui est celui
qui te dit : ‘Donne-moi à boire’, c’est toi qui lui aurais demandé et il
t’aurait donné de l’eau vive ».
Un dialogue à deux niveaux s’instaure :
La femme, toute préoccupée de ses tâches ménagères,
évoque une eau matérielle ;
Jésus, lui, se prononce sur une eau mystérieuse, une
eau capable d’apaiser la soif, qui deviendra source jaillissante…
La femme s’amuse et se moque :
« Seigneur,
donne-moi de cette eau, que je n’aie plus soif, et que je n’aie plus à venir
ici pour puiser ».
Jésus a tout compris.
Il a perçu la soif de
bonheur que cette Samaritaine n’a jamais pu satisfaire, cette aspiration à la
joie qu’elle n’a jamais pu concrétiser.
Il la rejoint au cœur de sa
souffrance :
« Va, appelle ton
mari… »
La vie de cette femme est
dévoilée, mise à nu : cinq maris et un amant trament le fil de son
histoire.
Jésus ne la juge pas.
Comme un accoucheur, il met
à jour son désir.
Il l’aide à y consentir, à
se dire en vérité :
« Là, tu dis
vrai… »
Jésus à son tour révèle le
cœur, le désir de Dieu.
Il oriente vers la vraie religion, celle qui relie au lieu de
diviser :
« L’heure vient… où les
vrais adorateurs adoreront le Père en esprit et vérité »
Jésus desserre l’étau.
Par ce culte « en
esprit et vérité », c’est-à-dire en tout lieu de ce monde, Jésus ouvre une
brèche dans la vie de cette femme.
Ce qui compte, ce n’est plus
le lieu du culte, mais le cœur qui s’y livre.
Elle le pressent :
« Je sais qu’il vient
le Messie… »
La vie de cette femme vient
de basculer.
Elle venait puiser à midi
pour n’être vue de personne.
Elle voulait cacher ce passé
dont elle avait honte.
Elle laisse à présent sa
cruche.
Sa soif matérielle n’existe
plus.
Elle a trouvé où apaiser
cette soif, où satisfaire son désir de joie.
Elle peut alors déclarer sans
ambages aux habitants de la ville :
« Venez voir un homme
qui m’a dit tout ce que j’ai fait. Ne serait-il pas le Christ ? »
Elle n’a plus honte.
Elle ne doit plus rien
cacher.
Elle est en paix avec son
histoire de douleurs et d’échecs.
Elle peut avancer sans
crainte.
Elle est libre…
En ce 3e dimanche
du Carême, chers frères et sœurs, cette rencontre est une invitation.
Jésus a rejoint une femme de
Samarie.
Il veut pareillement nous
rejoindre, chacun et chacune.
N’ayons pas peur de cette
rencontre.
Laissons-nous d’abord nous émerveiller
par l’accueil que Jésus a réservé à cette femme.
Et ensuite, ouvrons-nous à
la rencontre avec Jésus.
Offrons-Lui ce que nous
sommes, ce que nous portons, joies et peines, du présent ou du passé, ou les
inquiétudes de l’avenir.
De tout ce qui nous accable,
Jésus veut nous libérer.
Il veut nous le faire
traverser, comme son mystère pascal le mettra en pleine lumière.
Jésus désire que nous
basculions, avec Lui, de la mort à la vie.
Et si, comme les
Samaritains, nous L’invitions à demeurer ?
Sr Marie-Jean Noville (19
mars 17)